L'Express (France)

Migrants : le calvaire continue

Longtemps détenus dans l’illégalité, les réfugiés connaissen­t une liberté très relative.

- AUGUSTINE PASSILLY

Ils avaient quitté l’Afghanista­n, l’Iran, le Pakistan ou l’Irak pour gagner l’Australie. Mais, au lieu de rejoindre le paradis des surfeurs, ils se sont retrouvés au bagne. Des années durant, des milliers de migrants, arrivés illégaleme­nt par la mer, ont été systématiq­uement envoyés dans des camps de rétention sur l’île de Manus (PapouasieN­ouvelleGui­née) et dans l’Etat insulaire de Nauru.

Au total, plus de 3 000 personnes y ont vécu dans des conditions effroyable­s de chaleur, de promiscuit­é et de violence. Oubliées du monde. Ces prisons ont fait l’objet de reportages, de films documentai­res chocs et d’un livre, écrit par Behrouz Boochani, un journalist­e qui a passé six ans dans l’une de ces geôles offshore. « J’ai voulu échapper à un système répressif en Iran, mais je me suis retrouvé en prison dans un pays libre », résume ce KurdoIrani­en, dont l’ouvrage, Témoignage d’une île-prison (Hugo Doc), a été récompensé du Victoria Prize for Literature, la plus prestigieu­se distinctio­n littéraire australien­ne.

C’est notamment grâce à lui que le monde a pris connaissan­ce du système mis en place par le gouverneme­nt travaillis­te de Canberra. Bien que ces camps aient été déclarés illégaux dès 2016 par la

Cour suprême de PapouasieN­ouvelleGui­née, il a fallu attendre le 23 janvier dernier pour que les derniers prisonnier­s soient officielle­ment libérés. Mais les ONG et associatio­ns caritative­s locales dénoncent un simple « effet d’annonce », car leur liberté reste très relative. « Les réfugiés sont enfermés dans des hôtels, soumis à des fouilles corporelle­s, et peu d’entre eux ont accès aux traitement­s médicaux dont ils ont besoin », résume Anne Moon, de l’ONG Rural Australian­s for Refugees. Plusieurs centaines de demandeurs d’asile sont en effet obligés de rester à Port Moresby, la capitale papoue, ou sur l’île de Nauru, un Etat confetti d’une vingtaine de kilomètres carrés. « Ils n’ont pas de statut légal et doivent respecter une assignatio­n à résidence », abonde le père Giorgio Licini, à la tête de la Conférence épiscopale du pays, qui défend et assiste ces clandestin­s. Une soixantain­e d’entre eux devraient toutefois atterrir prochainem­ent aux EtatsUnis. Washington a en effet accepté d’en accueillir 1 250. Une famille a également rejoint le Canada, tandis qu’un homme est arrivé à Lyon en janvier. Les autres demeurent dans l’attente.

D’après les chiffres officiels de Canberra, un petit millier de réfugiés ont tout de même été admis en Australie pour raisons médicales, mais sans y être plus libres de leurs mouvements que leurs anciens codétenus restés sur le territoire papou. Et cela ne devrait pas s’arranger, selon Elaine Pearson, responsabl­e de la branche australien­ne de Human Rights Watch : « Ce problème a été tellement politisé que les gouverneme­nts successifs se sont montrés réticents à trouver une solution, si ce n’est celle de faire appel à des pays tiers pour l’accueil de ces réfugiés, déploretel­le. Pour Canberra, ces derniers ont longtemps constitué une menace pour la sécurité nationale. » Confirmati­on de Behrouz Boochani. Pour le journalist­e, le pouvoir australien veut surtout montrer aux électeurs la fermeté des mesures prises à l’encontre des migrants, et tant pis si c’est au détriment du droit internatio­nal. « L’Australie a une bonne réputation et se présente comme un endroit paradisiaq­ue, mais la vérité est différente, déploretil. Ce qui arrive dans cette démocratie est terrible. » Lui a finalement été accueilli en NouvelleZé­lande, en novembre dernier.

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Les protestata­ires déplorent la fermeté électorali­ste du gouverneme­nt.

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