Les Misérables, le film qui bouscule la Macronie
Rarement une oeuvre a été autant vue et commentée au sommet du pouvoir que le long-métrage de Ladj Ly, nommé 12 fois aux Césars, le 28 février.
Ce n’est pas un hasard si Sibeth Ndiaye est la première ministre à avoir anticipé le phénomène de société qu’allait susciter la mise en scène implacable d’une bavure policière dans un quartier populaire de Montfermeil. La porteparole du gouvernement a longtemps travaillé en SeineSaintDenis, où Les Misérables ont été tournés ; elle a des amis communs avec le réalisateur, Ladj Ly ; et, surtout, certaines séquences ont été filmées dans des bâtiments gérés par l’office HLM dirigé par son mari. « Ladj Ly a réussi à aborder le sujet avec finesse et justesse, sans être dans l’accusation de qui que ce soit », salue la secrétaire d’Etat, qui a vu le longmétrage quelques jours avant sa sortie en salle.
Rarement film aura été aussi commenté au sommet du pouvoir. Le président de la République en personne s’en est procuré un DVD. Et l’a fait savoir. On apprendra, le 17 novembre, dans Le Journal du Dimanche, qu’Emmanuel Macron a été « bouleversé par sa justesse » et qu’il a demandé au gouvernement « d’agir pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers ». Un brin de mauvaise conscience, venant de celui qui torpillait un an plus tôt le plan Borloo pour les banlieues ? L’âpreté de ces Misérables aux
2 millions d’entrées, entre montée de l’islamisme et désespérance des habitants, oblige l’exécutif à regarder la réalité en face. « Le film dit beaucoup de nos échecs des trente dernières années », observe Sibeth Ndiaye.
Le ministre de la Ville, Julien Denormandie, et son collègue de la Culture, Franck Riester, assistent à une projection organisée pour les députés LREM à l’Assemblée nationale, le 12 novembre. Comme souvent, les membres du gouvernement découvrent le longmétrage en compagnie de leurs officiers de sécurité (OS). Parmi eux, beaucoup d’anciens de la Brigade anticriminalité (BAC), mise en cause à l’écran. « Mon OS a trouvé que le film décrit une forme de réalité, une forme de cercle vicieux dont on n’arrive pas à sortir », confie un ministre.
Les Misérables suscitent le débat en Macronie. Le 16 décembre, Christophe Castaner reçoit une poignée de parlementaires pour un déjeuner consacré à la lutte contre le communautarisme. Le ministre de l’Intérieur leur conseille de voir le longmétrage, tout en estimant que sa représentation de la police est « exagérée ». L’un des convives, élevé dans un quartier difficile et témoin dans sa jeunesse de pratiques policières douteuses, n’est pas de cet avis. Le débat reprendratil de plus belle si le film, nommé 12 fois, récolte une pluie de Césars le 28 février ?