L’heure composite
Dans la haute horlogerie, l’emploi de plus en plus régulier de matériaux innovants vient bousculer les codes du luxe. PAR VINCENT DAVEAU
On les sait très attachés à leur savoir-faire traditionnel, pourtant les métiers de l’horlogerie n’en demeurent pas moins attentifs aux effets de mode. Ainsi, l’or et le platine, métaux rares et inaltérables, longtemps restés les références du luxe, sont-ils lentement concurrencés par de nouveaux matériaux. Dans les années 1980-1990, leur présence était encore marginale. Le titane – travaillé chez Porsche Design et IWC et réservé à des initiés – ou l’acier 904L proposé par Rolex se partageaient le marché. Puis, au tournant du siècle, plusieurs marques se sont penchées sur les matières innovantes. Audemars Piguet, TAG Heuer et quelques autres enseignes étaient bien décidées, en travaillant la fibre de carbone et différents composites issus de la course automobile ou du nautisme, à faire des montres mécaniques des objets dans l’air du temps. Ce changement de paradigme a donné naissance à une foule d’instruments originaux. La montre J12 de Chanel a ainsi été la première création horlogère d’une maison de couture à rendre la céramique luxueuse.
Galvanisés par cette démonstration, quelques visionnaires se sont lancés dans la conception de garde-temps à partir de composés futuristes ou d’alliages originaux. Richard Mille, créateur de la marque homonyme et précurseur dans le domaine, déclarait dès 1998 chez Mauboussin : « A l’aube de ce nouveau millénaire, le luxe ne se résume pas aux matériaux traditionnels. Il se définit par l’usage que l’on fait d’eux et se cristallise dans la légende qui leur est associée. » Ainsi, parmi tous les produits retenus pour leur rareté ou leurs propriétés inédites – en plus d’être biocompatibles –, seuls ceux qui se sont montrés capables d’apporter une esthétique originale tout en ayant une justification technique ont pu s’imposer durablement. On retiendra l’aluminium céramisé utilisé par Panerai, le Liquidmetal employé par Omega, le carbure de tungstène révélé par Rado, le Magic Gold mis au point par Hublot, l’alliage inoxydable Lucent Steel A223 développé par Chopard et bien d’autres encore, comme le cupro-aluminium (ou bronze aluminium) et même le saphir, exploité par Hublot et d’autres signatures de l’horlogerie contemporaine.
« Le seul vrai problème que risquent de rencontrer les boîtiers des montres réalisés à partir de fibre de carbone et de résine tient à la durée de vie de ces substances issues de la chimie», remarquait Renaud Boistel, chercheur au CNRS et amateur avisé. Dans le tourbillon d’une économie avide de nouveautés, la notion de durabilité a parfois été négligée. Ces matériaux originaux, contrairement à la céramique, n’offrent pas toujours la garantie de rester neufs comme au premier jour. Affaire à suivre !