Pierre Jarawan, Gabrielle Tuloup, Luc Blanvillain
PAR GABRIELLE TULOUP. PHILIPPE REY, 176 P., 16 €.
Un lundi de janvier, en 2015, le principal du collège André-Breton, à Stains, reçoit la visite d’une capitaine de la brigade de protection de la famille… et le ciel sur la tête : huit garçons de l’établissement sont accusés de viol en réunion sur Fatima, 15 ans, résidant dans une cité voisine. L’adolescente a porté plainte et les suspects sont interpellés, discrètement exfiltrés de leurs classes respectives. Mais l’onde de choc se propage aussitôt, interrogeant les adultes sur leur propre responsabilité ; suscitant chez les élèves des réactions déplacées. Du moins pour Emma, professeure de français, qui ne se résout pas à entendre que Fatima, « elle l’a bien cherché ». Fragile Emma, particulièrement affectée par ces « événements »…
Elle-même agrégée de lettres et enseignante en Seine-Saint-Denis, la très douée Gabrielle Tuloup, révélée par La Nuit introuvable, relève un pari de taille avec ce second roman captivant, sensible : aborder la question des abus sexuels sans jamais les décrire, évoquer le ressenti des uns et des autres sans céder au moindre manichéisme. Pari réussi, d’une plume aussi juste que sobre, aux accents presque sociologiques. Non contente d’évoquer le quotidien scolaire à travers une pléiade de personnages attachants, la romancière élargit sa focale du côté de ces lois qui régissent parfois une banlieue difficile, à commencer par celle du silence. Mais aucun milieu n’est épargné, comme en témoigne l’histoire d’Emma, racontée dans la deuxième partie du livre, plus littéraire. Et non moins éloquente : « A force de vouloir tout sauver, à ne jamais écouter les signes et ceux qui savent les lire, on finit comme OEdipe, les deux yeux crevés. Responsable, et victime. »