En Asie, le ballet des robots-serveurs
De la commande jusqu’au service, les établissements de restauration entièrement automatisés sont déjà une réalité en Chine, où la pénurie de personnel se fait sentir.
Pause déjeuner à l’hôpital de la CroixRouge de Wuhan, épicentre de la propagation du coronavirus en Chine. En quittant l’établissement, les soignants exténués tombent sur un étrange conteneur rose bonbon aux allures de food truck. Personne aux fourneaux, juste deux bras robotisés, qui, dans un ballet automatique, préparent et servent au comptoir jusqu’à 120 plats par heure au personnel hospitalier. Aucun contact humain et donc aucun risque de transmission du virus dans cette « station de restauration » installée il y a peu par le groupe Country Garden.
Pour ce géant chinois du fast-food, l’épidémie est l’occasion de tester ses engins avant de les déployer à la sortie des entreprises, des universités ou de tout autre endroit bondé à l’heure du déjeuner, qui sont pléthore dans ce pays de 1,4 milliard d’habitants. Si les tables ne manquent pas de clients, la Chine souffre, comme nombre de pays développés, d’une pénurie de serveurs et de cuisiniers. C’est donc vers les robots que les chaînes locales de restauration rapide se tournent pour satisfaire la demande. Et le phénomène s’accélère.
Depuis un an, des enseignes comme Country Garden, donc, mais aussi Haidilao ou les mammouths de la tech Alibaba et JD.com ont ouvert plusieurs restaurants dans l’empire du Milieu, où des plats simples sont préparés à la chaîne par des bras mécaniques et apportés sur roulettes
par un automate. Le leader dans la fabrication de robots-serveurs en Chine, Pudu Technology, a ainsi profité d’une année 2019 exceptionnelle avec plus de 5 000 machines livrées. Difficile de rivaliser avec ces engins : loués ou achetés, les appareils sont, à terme, 2 fois moins chers qu’un employé humain, servent le double de repas et ne se fatiguent jamais. Et les « embauches » devraient s’accélérer en 2020, puisque toutes les grandes enseignes ont annoncé l’ouverture de nouveaux restaurants automatisés pour l’année à venir Country Garden va même plus loin. Elle a monté de toutes pièces, il y a moins d’un an, sa propre filiale de fabrication de robots pour fournir ses futurs établissements. 70 appareils « formés » à des tâches précises (retourner les steaks, chauffer l’eau, verser la soupe...) ont déjà été développés, a annoncé l’entreprise le mois dernier.
Cette robotisation à toute vitesse ne s’arrête pas aux frontières chinoises et touche aussi les voisins japonais, taïwanais ou sud-coréen, où les champions nationaux de la robotique se sont tous lancés sur ce créneau. A Séoul, la marque LG a déployé le premier automate sur roulettes dans un fastfood. « C’est une démonstration pour tester notre réseau d’intelligence artificielle qui est commun à tous les appareils destinés à la restauration, de la commande à la préparation jusqu’au service », nous explique Jérôme Pinton, directeur marketing de LG.
Peut-on imaginer les mêmes robots nous servir café et croissant, ici, en Europe ? « Peu probable », juge David Baverez, un investisseur installé à Hongkong. « En Chine, le personnel accorde moins d’importance à la relation client et peut sans problème se tromper sur la commande, alors que, en Occident, le contact humain est encore primordial dans les restaurants. » Reste que McDonald’s, Burger King et KFC planchent sur des programmes d’IA, discrètement, de peur d’effrayer les consommateurs. Janvier a d’ailleurs sonné le glas, en Californie, de plusieurs cafés et pizzerias où le service était assuré par des robots, par manque de clientèle. La brasserie de quartier a encore de beaux jours devant elle.