Réhabiliter l’impôt ; Ascension et chute d’une icône allemande : la sélection de Jean-Marc Daniel et de François Roche
LE TRIOMPHE DE L’INJUSTICE. RICHESSE, ÉVASION FISCALE ET DÉMOCRATIE
PAR EMMANUEL SAEZ ET GABRIEL
ZUCMAN. SEUIL, 304 P., 22 €.
Le Triomphe de l’injustice d’Emmanuel Saez et de Gabriel Zucman fait partie de ces livres dont on attend beaucoup, eu égard aux annonces qui entourent leur publication, mais dont la lecture se révèle décevante. Son thème est clairement décrit par son titre. Selon les auteurs, la volonté affichée par les dirigeants occidentaux, depuis la fin des années 1970, de réduire les impôts a favorisé les riches et conduit à un creusement des inégalités que l’on peut considérer comme fondamentalement injuste.
Si la thèse est claire, le livre souffre de deux handicaps liés au parcours des deux essayistes. Ces derniers, économistes français reconnus, vivent aux Etats-Unis et y développent leurs travaux. Et ils sont très impliqués dans les combats que mène l’aile gauche du parti démocrate. De ce fait, leur texte est quasi exclusivement consacré aux évolutions fiscales de ce pays. Ils en font d’abord une analyse historique, qui part de sa naissance. Ils citent James Madison, assimilent – abusivement – le Sud esclavagiste à la défense d’une fiscalité inégalitaire, rappellent le taux marginal atteint par l’impôt sur le revenu sous Franklin Roosevelt avant de se polariser sur l’aprèsguerre et de concentrer leurs critiques sur les réformes de Reagan, éludant le fait que les baisses récentes d’impôts ont été lancées sous Kennedy.
Pour démontrer la nocivité des réformes fiscales conduites depuis les années 1980, les auteurs multiplient les données, si bien que l’on apprend beaucoup sur la réalité économique et sociale des Etats-Unis. Cependant, même si ce pays joue un tel rôle dans la vie économique mondiale que l’on ne peut pas s’en désintéresser, on perd rapidement pied face à la description assez largement fastidieuse d’une situation qui nous est étrangère. D’autant plus que le texte est très militant. C’est là son second défaut.
Emmanuel Saez et Gabriel Zucman fondent leur démarche autour de trois arguments. Le premier, incontestable, est le constat d’un déficit budgétaire élevé aux Etats-Unis (5 % du PIB), insoutenable à long terme et qui exige un accroissement des recettes publiques. Le deuxième, plus contestable, tient aux limites de la redistribution. Selon eux, la réduction des inégalités ne peut pas et ne doit pas reposer uniquement sur le versement de prestations sociales. Le troisième, éminemment politique et dont les auteurs reconnaissent qu’il n’est pas fondé sur le strict plan économique, est que, même justifiée par le mérite et le talent de son détenteur, la fortune ne doit pas dépasser un certain seuil. Au final, on ne peut que déplorer que le livre s’adresse, malgré un travail statistique considérable, à un public restreint car convaincu.