Air France-KLM, la guerre des Etats
Paris et La Haye sont engagés depuis un an dans un bras de fer pour le contrôle de la compagnie aérienne.
Entre la France et les Pays-Bas, rien ne va plus. En jeu : le contrôle d’Air France-KLM. Il y a tout juste un an, le royaume néerlandais achetait 14 % des parts de la compagnie aérienne, histoire de faire jeu égal avec la France. L’opération sonne alors comme un avertissement pour l’Etat français. Elle rappelle celle menée par ce dernier dans le cadre de l’alliance RenaultNissan, en 2015, lorsque Emmanuel Macron était ministre de l’Economie.
De fait, le parallèle avec le précédent Renault-Nissan est saisissant. Comme les Japonais, les Néerlandais goûtent peu les ambitions des Français. Comme Nissan, KLM refuse d’être absorbée dans un groupe à la main des Frenchies. Comme pour l’alliance Renault-Nissan, le patron d’Air France-KLM, Ben Smith, rêve d’intégrer davantage les deux compagnies pour faire des économies. Quand les Français d’Air France veulent prendre les commandes de l’entreprise batave, fin 2018, c’est une levée de boucliers aux Pays-Bas, qui décident alors une petite « OPA hostile » pour clouer le bec du coq tricolore.
Humilié, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, en bon ex-diplomate, invite les Néerlandais au dialogue.
Un an plus tard, « rien n’avance », confie l’entourage du patron de Bercy. Le 17 février, il a rencontré le ministre des
Finances néerlandais, Wopke Hoekstra, à l’origine du raid. Le gouvernement français se dit « ouvert » à toutes les options. Selon nos informations, il serait prêt à offrir aux Pays-Bas un deuxième siège d’administrateur pour peser le même poids que la France. Mais, en contrepartie, Paris souhaite que La Haye lâche du lest sur la gouvernance de KLM. Impensable pour les Néerlandais. « L’Etat français veut simplement qu’Air France-KLM fonctionne comme une entreprise normale », soupire un administrateur du groupe.
Comme Renault, qui soulignait les difficultés financières de Nissan, Air France pointe celles de KLM. Sa rentabilité a diminué en 2019. Mais les marges de la compagnie néerlandaise représentent encore quasiment les trois quarts de celles du groupe. KLM craint surtout pour son avenir. Son hub d’Amsterdam sature, ses perspectives de croissance sont très réduites. En face, Air France va bénéficier de l’extension de Roissy, en 2028. En plus de la rivalité entre les deux compagnies aériennes, un autre duel est en train de se jouer. Celui qui oppose l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol et ceux d’ADP, les deux groupes aéroportuaires étant pourtant actionnaires l’un de l’autre. Le bras de fer est loin d’être terminé.