NON / LES CITOYENS MAÎTRISENT PARFAITEMENT L’ÉCONOMIE DU QUOTIDIEN
PAR PASCAL LE MERRER
Décidément, les Français ne comprendraient rien à l’économie ! Ni les avantages de la mondialisation, ni la nécessité de la taxe carbone, ni l’obligation de réduire la dépense publique. C’est très injuste. Car ce sont des experts de l’économie du quotidien : ils modifient leurs comportements de consommation, et la grande distribution est alors dépassée ; ils veulent changer leurs modes de déplacement, mais les infrastructures ont du retard ; ils sont acteurs de la marchandisation, et ce ne sont pas les plateformes comme eBay, Uber, Netflix ou PayPal qui vont s’en plaindre. Surtout, plus de la moitié déclarent s’intéresser à l’économie.
Mais les citoyens se méfient des experts. Ils les soupçonnent de justifier des réformes que le pouvoir voudrait leur imposer. Ils sont aussi perdus face la technicité du langage et l’avalanche de chiffres utilisés par certains, ce qui nourrit leur défiance au sujet de la véracité des indices du chômage ou de l’inflation, par exemple. Enfin, l’horizon des économistes n’aide pas : ils privilégient le long terme en étudiant des ajustements sur des marchés abstraits interdépendants, avec des prévisions souvent fragiles.
Conscients de cette critique, certains économistes essaient de mieux dialoguer avec les citoyens. En témoigne l’implication de Joseph Stiglitz, Philippe Aghion, Esther Duflo ou Gabriel Zucman dans le débat public pour rendre plus compréhensibles leurs travaux. De fait, la science économique est de moins en moins lugubre. Elle s’intéresse à nos comportements, s’éloigne d’un projet de théorie générale pour aller vers une logique de boîte à outils où l’on peut trouver les moyens de « bricoler » une réponse utile aux problèmes concrets que l’on veut résoudre. Le big data n’y est pas pour rien. De quoi aider les Français à affirmer encore leurs connaissances. Pascal Le Merrer, professeur d’économie à l’Ecole normale supérieure de Lyon, fondateur des Journées de l’économie (Jéco).