L'Express (France)

Au RN, le tabou des 5000 euros mensuels de Marine Le Pen

Alors que le parti est à deux doigts du dépôt de bilan, les cadres envisagent un plan d’économies. Mais pas question de toucher à l’allocation forfaitair­e de la présidente.

- CAMILLE VIGOGNE LE COAT

Au siège du Rassemblem­ent national, à Nanterre, il est des sujets qu’il vaut mieux aborder en chuchotant. Le complément de rémunérati­on – pardon, « l’allocation forfaitair­e » – dont bénéficie Marine Le Pen en tant que présidente du parti est de ceuxlà. En l’occurrence, 5 000 euros par mois, qui s’ajoutent à ses indemnités de députée du PasdeCalai­s (5 700 euros net), à son avance de frais de mandat (5 400 euros) et aux indemnités qu’elle touche comme conseillèr­e régionale des HautsdeFra­nce (2 300 euros net mensuels).

Au RN, pourtant, l’heure est aux économies. Les caisses sont vides. La formation d’extrême droite a accumulé quelque 20 à 25 millions d’euros de dettes ces dernières années, dont 9,14 millions d’euros d’emprunt auprès d’une banque tchécoruss­e, non remboursés, qui lui valent une assignatio­n en justice. Pour ne rien arranger, le RN ne touchera en 2020 que 900 000 euros de dotation publique, au lieu de 5,1 millions d’euros, la différence servant à rembourser un prêt accordé par Cotelec, le microparti de JeanMarie Le Pen. Afin de faire face, sa fille a décidé de lancer

un emprunt auprès des Français, « pour financer les campagnes électorale­s ».

Au quotidien, c’est la masse salariale qui pèse particuliè­rement lourd sur le parti : 3,5 millions d’euros en 2018. « La seule option possible, c’est un plan social », confie un cadre. La question de la rémunérati­on de Marine Le Pen n’est pas décisive mais symbolique pour un parti qui se veut défenseur des classes populaires. « Quand elle demande aux habitants du bassin

minier, parmi les plus pauvres de France, de payer son indemnité hors de prix, c’est problémati­que », juge un élu régional sous le couvert de l’anonymat.

Dans les fédération­s, auxquelles le parti ne reverse plus un centime depuis un an, certains délégués départemen­taux ont le sentiment que « les efforts ne sont pas consentis partout ». Chaque responsabl­e dresse le bilan : certaines fédération­s n’ont plus rien, d’autres savent qu’il ne leur reste que quelques mois de trésorerie, « en faisant attention ». « Il y a un paradoxe, le siège accapare les ressources de façon significat­ive, mais il n’a jamais rendu de services aussi faibles aux fédération­s », pointe un parlementa­ire, désolé.

Marine Le Pen comptetell­e participer à l’effort de ses troupes ? « Aucune raison qu’elle se passe de ses 5 000 euros, c’est tellement légitime ! » assure Wallerand de Saint Just, trésorier du RN. Une enveloppe qui n’est pas soumise à l’impôt, et pour laquelle Marine Le Pen ne justifie pas du montant de ses dépenses : ni factures ni tickets de caisse. Ses frais – trains, hôtels, voitures – sont pourtant déjà pris en charge par Nanterre. « Si vous trouvez ça bizarre, je me fous totalement de votre avis, balaie Wallerand de Saint Just. » Selon nos informatio­ns, la présidente du RN dispose de la carte bancaire du parti, rangée dans son portefeuil­le, dont elle se sert lorsqu’elle doit régler une note au restaurant. Le trésorier dément : « C’est n’importe quoi. »

C’est en 2017 que le montant de cette allocation forfaitair­e est passé de 3 000 à 5 000 euros. « Oui, j’avais besoin de 2 000 euros de plus par mois », a alors avancé Marine Le Pen pour toute explicatio­n. Certains cadres font remarquer que cette augmentati­on est intervenue au moment où l’excandidat­e à la présidenti­elle faisait son entrée à l’Assemblée nationale, dont les députés sont moins généreusem­ent payés et plus taxés que les élus du Parlement européen.

Dans le même temps, les fédération­s ne reçoivent plus d’argent du parti depuis un an

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