L'Express (France)

Ascension et chute d’une icône allemande

- FRANÇOIS ROCHE

DARK TOWERS.

DEUTSCHE BANK, DONALD TRUMP AND AN EPIC TRAIL OF DESTRUCTIO­N PAR DAVID ENRICH.

THE CUSTOM HOUSE, 2020.

Voici un livre qui devrait passionner ceux qui s’intéressen­t de près ou de loin à la finance. David Enrich, journalist­e pour le Wall Street Journal et le New York Times, y raconte par le menu l’histoire de la Deutsche Bank, depuis sa création, au XIXe siècle, en passant par sa collaborat­ion avec les nazis, jusqu’à son ascension fulgurante au sein de ce que l’on appelait le capitalism­e rhénan ou « Germany Inc. », et ses errements plus récents, liés à la crise financière et à sa relation avec le président Donald Trump aux Etats-Unis. C’est évidemment cette dernière période qui suscite le plus d’intérêt.

On y voit une banque respectabl­e se lancer dans les années 1990 à la City et à Wall Street par le rachat de Bankers Trust et de Morgan Grenfell & Co, abandonnan­t sa culture conservatr­ice pour s’adonner aux charmes vénéneux des produits dérivés, des junk bonds, des subprimes et de l’investisse­ment pour compte propre. Elle est certes alors devenue la première banque du monde, avec un bilan lourd de 2 000 milliards de dollars, mais aussi l’une des plus endettées. Mise en cause dans plusieurs scandales liés à la manipulati­on d’indices, à des opérations de blanchimen­t avec des oligarques russes ou à la surévaluat­ion de la valeur des actifs dans ses comptes, la Deutsche Bank a chuté lourdement, au point que sa survie même a été en question.

David Enrich revient aussi sur les étranges relations de la Deutsche Bank et de Donald Trump, entre 1998 et 2016 : crédits généreux, opérations de sauvetage, rupture puis réconcilia­tion, le tout portant sur plus de 1,5 milliard de dollars. Une partie de ces opérations fait l’objet d’une enquête de la Chambre des représenta­nts, dans le cadre de laquelle Trump interdit à la banque de communique­r la moindre informatio­n. L’affaire est toujours entre les mains de la Cour suprême.

Aujourd’hui, la Deutsche Bank est en convalesce­nce. Au cours des cinq dernières années, elle a enregistré des pertes cumulées de 13,8 milliards d’euros. Le nouveau président du directoire, Christian Sewing, qui est en poste depuis 2018, a lancé un vaste plan de restructur­ation, ce qui va impliquer notamment 18 000 suppressio­ns d’emplois dans le monde, la fin des ambitions de la banque à Wall Street et son recentrage sur l’Allemagne et la zone euro. Et elle vient d’accueillir un nouvel actionnair­e, le gestionnai­re d’actifs américain Capital Group. Les années noires semblent désormais derrière elle.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France