TANT QU’IL Y AURA DES CÈDRES
PAR PIERRE JARAWAN,
TRAD. DE L’ALLEMAND PAR PAUL WIDER. ÉD. HÉLOÏSE D’ORMESSON, 496 P., 23 €.
Il arrive que des livres vous enchantent d’emblée, dès la première page. Plus rares sont ceux qui confirment l’engouement jusqu’au point final, 495 pages plus loin. Tant qu’il y aura des cèdres, premier roman d’un slameur de 34 ans, de père libanais et de mère allemande, est de ceux-là. Oui, tout, dans ce récit fleuve, du style aux personnages naviguant entre l’Allemagne et le Liban, est une réussite. Samir, le narrateur, raconte d’un ton enjoué son enfance. Brahim et Rana, ses parents, ont fui, au printemps 1983, un Beyrouth en flammes pour émigrer en Allemagne. Ayant très vite bénéficié du droit d’asile, comme Hakim, l’ami fidèle musicien reconverti en menuisier et père de la jeune Yasmin, ils s’intègrent sans problème, mais non sans nostalgie.
Conteur hors pair, Brahim berce les soirées de Samir avec les aventures imaginaires d’Abou Youssef, héros libanais débonnaire. Jusqu’à ce funeste jour de novembre 1992, où Brahim, le père idolâtré, se volatilise. Samir a 8 ans, son monde s’effondre. Une vingtaine d’années plus tard, torturé par cet abandon, il s’envole pour Beyrouth dans le fol espoir de percer le mystère. Dans ce pays qui se relève difficilement de ses décombres, le jeune homme, tel un pèlerin, s’engouffre dans les paysages hier célébrés par son père, des montagnes du Chouf et leurs géants séculaires à Zahlé, cité du vin et de la poésie. Sa quête tient le lecteur en haleine, tout comme l’énoncé, clair, vif et jamais jargonnant de l’histoire chahutée du Liban, avec ses affrontements interconfessionnels sans fin et ses menaçants voisins. Furieusement distrayant et diablement instructif, Tant qu’il y aura des cèdres coche toutes les cases !