A Chicago, l’humour contre le virus
Lori Lightfoot, la maire de la ville, se démène pour protéger ses administrés de la contamination. Son arme principale : l’autodérision.
Imagine-t-on Anne Hidalgo faire des tours de Paris en voiture, de jour comme de nuit, pour intimer aux Parisiens de rester chez eux ? Depuis un mois, dans un Chicago confiné, c’est l’un des rôles que s’est donnés la maire démocrate, Lori Lightfoot. Les habitants de la troisième plus grande ville des Etats-Unis ont pris l’habitude de voir leur élue conduire dans des rues pourtant bien vides, criant sur ceux qui ne respectent pas les distances de sécurité ou interrompant des soirées entre ados. En boucle, elle répète son message : « Restez chez vous, sauvez des vies ! »
Elue il y a moins d’un an, Lori Lightfoot est devenue, avec la crise du Covid-19, un emblème de Chicago. Extravagante et déterminée, la maire de 57 ans ne recule devant rien pour empêcher la propagation du virus. Sur Internet, l’édile joue l’autodérision à fond : elle se met en scène dans des sketchs comiques depuis sa cuisine ou son salon, relaie des photomontages qui la dépeignent en Batman ou en Big Brother, et va jusqu’à jouer les DJ sur Instagram. Malgré des talents musicaux limités, ses prestations font un carton. « Jouer l’humour en temps de crise n’est – normalement – pas conseillé, commente Zizi Papacharissi, professeure de communication et de sciences politiques à l’université de l’Illinois. Mais Lori Lightfoot réussit à transmettre les consignes de sécurité à tout le monde, en particulier à ceux qui ne s’intéressent ni à l’actualité ni aux messages des autorités. »
L'élue endosse pourtant ici un rôle contre-nature. Avocate de formation puis procureure fédérale, elle a incarné pendant trente ans le sérieux et la rigueur. En mai 2019, elle devient la première femme noire et la première homosexuelle maire de Chicago, avec 78 % des voix. « Son sens de l’humour et sa confiance en elle, depuis le début de la pandémie, ont surpris tout le monde, indique Zizi Papacharissi. Elle montre des qualités humaines très fortes et elle a vite compris que les réseaux sociaux étaient la clef pour “faire société” quand nous sommes loin les uns des autres. » D’autant que le coronavirus secoue aussi le vivre-ensemble. Lori Lightfoot a ainsi été la première élue américaine à sonner l’alarme sur les disparités ethniques révélées par cette crise. A Chicago, 65 % des morts du coronavirus sont afro-américains, alors qu’ils ne représentent que 30 % de la population. Dans tout le pays, les Noirs meurent six fois plus que les Blancs du Covid-19. « Ces chiffres vous coupent le souffle », a déclaré l’édile, très émue, dès le 7 avril. Lori Lightfoot déploie donc les grands moyens contre ces disparités : des soignants ont été appelés en renfort dans les quartiers noirs de Chicago et les messages de prévention ciblés se multiplient. Et si cela ne suffisait pas, la maire a décidé d’augmenter la fréquence de ses rondes en voiture dans ces zones. Gare aux infortunés qui tomberont sur elle dans la rue !