L'Express (France)

Rivalité franco-chinoise autour de la dette africaine

L’appel à la suppressio­n des créances du continent lancé par Emmanuel Macron vise à contrebala­ncer l’influence chinoise.

- PAR SÉBASTIEN HERVIEU (ABIDJAN), AVEC BÉATRICE MATHIEU

A Dakar, Demba Moussa Dembélé ne s’est pas fait beaucoup d’illusions, le 13 avril dernier, devant sa télévision. « Quand Emmanuel Macron a déclaré vouloir aider les “voisins africains” en annulant massivemen­t leur dette, je me suis dit que sa promesse serait difficile à tenir », confie l’économiste sénégalais, directeur du Forum africain des alternativ­es. Avant de trancher : « M. Macron s’est offert un coup de com à peu de frais, car il savait déjà qu’il allait faire cavalier seul. »

Isolé parmi les dirigeants occidentau­x sur cette question, le président français a dû se contenter d’un moratoire sur le service de la dette, acté à l’issue d’une réunion virtuelle des ministres des Finances du G20, le 15 avril. Les remboursem­ents que devaient verser les 76 pays les plus pauvres du monde, dont 40 Etats africains, resteront dans leurs caisses à partir du 1er mai. La mesure, prévue pendant six mois, est reconducti­ble.

Pour la France, le moratoire représente un report de remboursem­ent de 1 milliard d’euros. Au total, 12 milliards de dollars (11 milliards d’euros) de dettes dues aux Etats sont ajournés. Dans le même temps, les créances détenues par les institutio­ns internatio­nales, soit également 11 milliards d’euros, font l’objet d’une négociatio­n. « En fait, cette initiative est dérisoire face à l’ampleur de la catastroph­e provoquée par le coronaviru­s, juge Demba Moussa Dembélé. Car il s’agit d’une simple suspension : le fardeau continuera à peser lorsqu’il faudra relancer l’économie après la crise. » En la matière, le président français semble avoir voulu autant réussir un « coup » diplomatiq­ue que faire offre de générosité.

« Macron savait que la probabilit­é de faire annuler la dette sans l’accord et la coopératio­n de la Chine était très faible, confie une source française qui a participé aux négociatio­ns au sein du Club de Paris, où siègent une vingtaine de pays prêteurs. Il a fait une annonce très politique et opportunis­te pour cajoler l’Afrique. » Sur les 336 milliards d’euros de dette publique africaine – elle a doublé ces dix dernières années –, 40 % sont dus à Pékin.

La Chine est accusée par les Occidentau­x, Paris et Washington en tête, d’avoir grevé les finances de nombreux pays africains. Dans le cadre de son titanesque projet de « nouvelles routes de la soie », elle leur a accordé des prêts massifs à des taux d’intérêt élevés pour leur permettre de financer des infrastruc­tures. Or, avant même l’arrivée de la pandémie de Covid19, 18 Etats se trouvaient en situation de surendette­ment. Face aux difficulté­s de remboursem­ent de certains régimes, Pékin a dû lâcher du lest. Ou geler de grands chantiers, comme la ligne ferroviair­e entre Nairobi et

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