L'Express (France)

Ramadan : petits arrangemen­ts avec le confinemen­t

Le mois de jeûne est d’ordinaire une période de fête et de rassemblem­ent. Dans le pays, certains pourraient prendre des libertés avec les règles sanitaires.

- NAÏLA KHELIFI

« Un ramadan sans zlabia, ce n’est pas le ramadan », décrète Samia. Emblématiq­ue de ce mois de jeûne, cette friandise, spécialité de semoule frite et de miel, orne normalemen­t toutes les tables algérienne­s en cette période. Mais cette année, confinemen­t oblige, les pâtisserie­s sont fermées. Pourtant, Samia, agent d’assurances à Alger, ne s’inquiète pas trop : des mères de famille vont probableme­nt s’arranger pour en vendre dans leur salon aux proches. Ou alors il faudra se renseigner pour savoir si un voisin n’écoule pas quelques douceurs dans son garage, à l’abri des regards.

Le ramadan, mois de prières et de sobriété durant la journée, est aussi une période de surconsomm­ation quand vient l’heure du ftour, la rupture du jeûne, au coucher du soleil. Les familles avaient fait des stocks de semoule et de farine au début du confinemen­t partiel, le 23 mars. Mais dans bien des cas, ceuxci se révèlent insuffisan­ts, « parce qu’on ne pensait pas que ça durerait autant », explique Samia. Cette année, le ramadan, qui débute le 24 avril, ne sera donc pas comme les autres, et pas seulement à cause des repas qui risquent d’être moins copieux.

D’autres habitudes seront perturbées par l’épidémie de coronaviru­s, au grand désespoir des Algériens croyants. Les tarawih, ces prières très suivies dans les mosquées après la rupture du jeûne, n’auront pas lieu. Officielle­ment, du moins. « Je préfère mourir que de les rater », s’exclame Faycal, un chômeur âgé de 27 ans, qui habite à Belcourt, un quartier populaire d’Alger. Déjà, certains fidèles ont voulu prier devant les portes closes des mosquées, tandis que d’autres se rassemblai­ent sur les toits de leurs maisons. Les autorités ont mis fin à ce petit manège et durci les règles sanitaires. Un couvrefeu a été décrété, de 15 heures à 7 heures dans les grandes villes. Les veillées du ramadan seront donc un peu mornes : plus de foule joyeuse aux terrasses des cafés ni de spectacles de rue jusqu’à l’aube. Les femmes, en particulie­r, seront privées de la liberté, concédée durant ce seul mois sacré, de sortir seules le soir. Fini, également, le thé siroté sur les plages la nuit ou les soirées entre amis. Enfin, presque. « N’navigui !» (du français naviguer), dit l’expression populaire algéroise : « On se débrouille ! » « Vous pensez vraiment qu’on va rester à la maison avec nos familles ? ironise Faycal. Dans ma cité, les jeunes se réunissent déjà certains soirs dans les cages d’escalier pour jouer aux cartes ou aux dominos. Alors, pendant le ramadan, ce

sera pire. » Nombreux sont ceux qui espèrent la levée du couvrefeu. Retraitée de l’Education nationale, Djamila résume le sentiment général : « Avec un gouverneme­nt aussi faible que le nôtre, il est très possible qu’il cède. Que serait un ramadan sans veillées ? » Impensable, comme un mois sacré sans zlabia.

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Les mosquées étant fermées, les tarawih, prières collective­s du soir, ne pourront avoir lieu.

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