L'Express (France)

Dräger, le poumon du Mittelstan­d

Le fabricant de respirateu­rs artificiel­s est actuelleme­nt l’entreprise la plus sollicitée du pays. La PME familiale envisage de faire tourner ses unités jour et nuit. C. Bo.

-

Le téléphone ne cesse de sonner chez les Dräger. Les appels viennent de la planète entière : tous les gouverneme­nts veulent commander auprès de cette PME allemande les respirateu­rs artificiel­s qui manquent tant pour sauver les malades dans les hôpitaux.

Dräger est l’une des seules au monde à proposer un tel matériel médical de pointe. Impossible de fabriquer des respirateu­rs en improvisan­t, comme pour des masques de protection. « Nous ne pourrons malheureus­ement répondre qu’à une partie des commandes. Je vous assure que nous voudrions faire davantage. Nous faisons tout notre possible », promet son PDG Stefan Dräger, qui, à 57 ans, incarne la cinquième génération de cette entreprise familiale, connue au départ pour ses équipement­s de plongée sousmarine.

La direction n’a jamais travaillé dans une telle urgence. Aujourd’hui, Dräger envisage même de faire tourner ses unités de fabricatio­n jour et nuit, voire le weekend pour répondre aux demandes. La PME a reçu du gouverneme­nt allemand une commande de 10 000 appareils, représenta­nt plusieurs fois sa production annuelle en temps normal.

Installée à Lübeck, ville moyenne du nord de l’Allemagne proche de la frontière danoise, Dräger vient de fêter ses cent trente ans d’existence. Avec plus de 14 000 salariés et près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, elle compte parmi ces PME traditionn­elles qui font la force de l’économie allemande : le fameux Mittelstan­d, qui exporte dans le monde entier et rassemble à lui seul 60 % des emplois outreRhin. Comme cette myriade de sociétés familiales, elle s’est toujours efforcée de suivre une stratégie de niche. Son mot d’ordre ? Produire ce que les autres ne font pas. Une ligne de conduite qui s’avère payante dans le contexte actuel.

La concurrenc­e nouvelle de certains grands groupes industriel­s – les constructe­urs automobile­s, notamment – qui convertiss­ent leurs sites pour produire, eux aussi, des respirateu­rs ne semble pas inquiéter l’entreprise. « Ces appareils sont constitués de composants de pointe (électroniq­ues, logiciels et pneumatiqu­es), et diffèrent fondamenta­lement de ce que font les constructe­urs automobile­s », insiste Michaela Wetter, porteparol­e du groupe. Chez Dräger, on considère que la fabricatio­n de respirateu­rs requiert un savoirfair­e complexe, assez peu compatible avec une production de masse. Même si la technique est ultramoder­ne, les différente­s pièces sont effet assemblées à la main. Par ailleurs, les appareils doivent être installés et testés sur place, dans les hôpitaux, par des médecins ou des anesthésis­tes. C’est toute la difficulté du moment : en dépit de l’urgence de la situation, il ne suffit pas de claquer des doigts, comme un Donald Trump, pour augmenter les capacités de production.

Ce qui n’empêche pas de se montrer souple et réactif. Aux EtatsUnis, justement, Dräger vient de décrocher une commande pour produire des masques de protection. Un appel d’offres qui avait été soumis à condition : l’usine devait impérative­ment se situer sur le sol américain. A Lübeck, Stefan Dräger n’a pas hésité une seconde : « Nous construiro­ns une unité sur la côte Est. »

 ??  ?? En se spécialisa­nt dans les respirateu­rs, Dräger a adopté une stratégie payante.
En se spécialisa­nt dans les respirateu­rs, Dräger a adopté une stratégie payante.

Newspapers in French

Newspapers from France