Le cliché de l’autorité allemande
L’image d’un peuple qui suit les ordres les yeux fermés a vécu. Les Allemands n’acceptent les règles que s’il y a dialogue et consensus.
Les Allemands disciplinés et soumis à l’autorité ? Quel cliché ! « Ils ne sont pas plus disciplinés que les Français », assure l’historien Hartmut Kaelble, professeur émérite d’histoire sociale de l’Europe à l’université Humboldt de Berlin. S’ils respectent en majorité les restrictions édictées par la chancelière, certains n’hésitent pas, comme ailleurs, à contourner les règles. Ils se déguisent en dépanneur pour passer les barrages de police dans leur véhicule et partir en douce vers leur maison de campagne. Sur les quais de gare, on a même vu des retraités monter en rangs dispersés dans les trains pour rejoindre ensuite leur groupe d’excursion dans la voiture-restaurant…
Contrairement aux idées reçues, les Allemands ont plutôt un rapport hermétique à l’autorité. « L’expérience du nazisme a profondément marqué le pays. En conséquence, ils restent méfiants », poursuit Hartmut Kaelble. Il faut donc les convaincre avec de solides arguments. « La discipline allemande est toujours le résultat d’un consensus qui permet ensuite aux citoyens de se responsabiliser. Les Allemands intériorisent les règles. S’ils attendent sagement aux feux tricolores, même quand il n’y a pas de voitures, ce n’est pas à cause de la peur du gendarme, mais par conviction », analyse Etienne François, ancien directeur du centre de recherche en sciences sociales MarcBloch, à Berlin.
Résultat, Angela Merkel leur a fait confiance pour respecter les règles de distanciation sociale. Pas besoin de les surveiller comme des enfants. La police, décontractée et bienveillante, constate d’elle-même que cette autodiscipline fonctionne. Elle encourage même les habitants à « prendre l’air » ! Au cours des quatre premières semaines de restrictions, les agents n’ont infligé à Berlin, ville de 3,7 millions d’habitants, qu’un petit millier d’amendes pour des infractions aux règles.
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