L'Express (France)

La police judiciaire au ralenti

Pour ne pas surpeupler davantage les prisons infectées par le coronaviru­s, beaucoup d’enquêtes sont sur pause. Policiers et gendarmes rongent leur frein.

- ANNE VIDALIE ET CLAIRE HACHE

Les instructio­ns sont venues de tout en haut.Leministèr­edelaJusti­ceademandé aux services enquêteurs de réfréner leurs ardeurs. Prière de se limiter aux infraction­s les plus graves, alors que les tribunaux fonctionne­nt au ralenti. Et que l’heure est aux libération­s anticipées afin d’endiguer la contaminat­ion dans des prisons surpeuplée­s. « Même si nous continuons à traiter les dossiers de fond, nous faisons face à une réduction drastique de l’activité, et nombre d’affaires sont à l’arrêt », indique un commissair­e de la direction centrale de la police judiciaire (PJ), qui déplore de passer « beaucoup de temps en réunion, à faire de la prospectiv­e ». A la Préfecture de police de Paris, les cadres se plaignent aussi. Raslebol du Covid19. « C’est pesant, les trois quarts des mails que je reçois tournent autour de ça », râle l’un d’eux.

Les « péjistes » rongent leur frein. Tel ce patron d’un service régional, au bureau un jour sur deux, en alternance avec son adjoint. « Quand je suis à la maison, je traînaille, c’est tristouill­e. Hier, j’ai bossé deux heures seulement. Notre boulot n’est pas compatible avec le télétravai­l. »

Pour s’occuper, ses troupes épaulent la Sécurité publique. « Nous récupérons des affaires, comme cet enlèvement foireux dont la victime a été libérée et l’auteur, identifié. » Bref, du menu fretin. Un commissair­e renchérit : « On ne fait plus que les atteintes aux personnes. En dix jours, une tentative d’homicide et deux querelles de voisinage avec armes. » Les enquêteurs regrettera­ient presque que les voyous leur donnent moins de fil à retordre. Les trafiquant­s de stups vident leurs stocks auprès de rares clients, beaucoup de profession­nels du cambriolag­e et du vol à la tire venus d’Europe de l’Est sont rentrés chez eux.

Côté gendarmeri­e, des officiers de PJ ont été affectés à d’autres tâches – patrouille­s ou protection de sites. Mais dans les sections de recherche, on trouve le temps long. « Nous sommes orphelins de nos enquêtes et de nos magistrats, soupire un militaire. Alors, nous nous contentons de gérer les flagrants délits. » Un de ses collègues essaie d’être optimiste : « Nous pouvons écluser les jours de repos et nous mettre à jour sur les procédures. » C’est déjà ça.

Newspapers in French

Newspapers from France