La police judiciaire au ralenti
Pour ne pas surpeupler davantage les prisons infectées par le coronavirus, beaucoup d’enquêtes sont sur pause. Policiers et gendarmes rongent leur frein.
Les instructions sont venues de tout en haut.LeministèredelaJusticeademandé aux services enquêteurs de réfréner leurs ardeurs. Prière de se limiter aux infractions les plus graves, alors que les tribunaux fonctionnent au ralenti. Et que l’heure est aux libérations anticipées afin d’endiguer la contamination dans des prisons surpeuplées. « Même si nous continuons à traiter les dossiers de fond, nous faisons face à une réduction drastique de l’activité, et nombre d’affaires sont à l’arrêt », indique un commissaire de la direction centrale de la police judiciaire (PJ), qui déplore de passer « beaucoup de temps en réunion, à faire de la prospective ». A la Préfecture de police de Paris, les cadres se plaignent aussi. Raslebol du Covid19. « C’est pesant, les trois quarts des mails que je reçois tournent autour de ça », râle l’un d’eux.
Les « péjistes » rongent leur frein. Tel ce patron d’un service régional, au bureau un jour sur deux, en alternance avec son adjoint. « Quand je suis à la maison, je traînaille, c’est tristouille. Hier, j’ai bossé deux heures seulement. Notre boulot n’est pas compatible avec le télétravail. »
Pour s’occuper, ses troupes épaulent la Sécurité publique. « Nous récupérons des affaires, comme cet enlèvement foireux dont la victime a été libérée et l’auteur, identifié. » Bref, du menu fretin. Un commissaire renchérit : « On ne fait plus que les atteintes aux personnes. En dix jours, une tentative d’homicide et deux querelles de voisinage avec armes. » Les enquêteurs regretteraient presque que les voyous leur donnent moins de fil à retordre. Les trafiquants de stups vident leurs stocks auprès de rares clients, beaucoup de professionnels du cambriolage et du vol à la tire venus d’Europe de l’Est sont rentrés chez eux.
Côté gendarmerie, des officiers de PJ ont été affectés à d’autres tâches – patrouilles ou protection de sites. Mais dans les sections de recherche, on trouve le temps long. « Nous sommes orphelins de nos enquêtes et de nos magistrats, soupire un militaire. Alors, nous nous contentons de gérer les flagrants délits. » Un de ses collègues essaie d’être optimiste : « Nous pouvons écluser les jours de repos et nous mettre à jour sur les procédures. » C’est déjà ça.