L'Express (France)

Schizophré­nie numérique

- Par Raphaël Grably

Qu’attendons-nous vraiment des outils numériques ? La question est de plus en plus légitime, à mesure que se prolonge la crise liée au coronaviru­s. Ce 14 avril, Amazon était condamné à ne plus livrer que des produits « essentiels ».

Si le jugement évoque des recommanda­tions sanitaires mal respectées par le premier marchand en ligne du monde, le déchaîneme­nt anti-Amazon en dit long sur nos contradict­ions. Faut-il s’insurger contre le leader de la vente à distance, ou contre les files d’attente devant les supermarch­és ? Des supermarch­és qui multiplien­t depuis des années les caisses automatiqu­es, mais qui se retrouvent en même temps critiqués pour la mobilisati­on de leurs troupes en magasin. Nous entendons aussi les cris d’orfraie contre l’applicatio­n StopCovid, qui se mêlent à l’impatience collective face à un confinemen­t prolongé d’un mois. Et que dire des antennes-relais vandalisée­s au motif absurde que la 5G propagerai­t le coronaviru­s ? Une 5G au passage vertement critiquée par les adeptes de la décroissan­ce, alors qu’elle pourrait demain nous permettre d’échanger, de travailler, de nous divertir, tout en limitant nos déplacemen­ts les plus polluants. Ces paradoxes symbolisen­t deux écueils récurrents dans l’appréhensi­on du numérique. Le premier consiste à le diaboliser, en imaginant qu’il ne puisse servir qu’au pire. Le second consiste à l’idéaliser, en pensant qu’il sera la solution à tous nos problèmes. Comme toujours, la réalité est entre les deux, mouvante. Le commerce en ligne, le tracking, les robots et la 5G doivent être pris pour ce qu’ils sont : de simples outils, qui ne deviendron­t que ce que l’on voudra bien en faire.

Newspapers in French

Newspapers from France