Schizophrénie numérique
Qu’attendons-nous vraiment des outils numériques ? La question est de plus en plus légitime, à mesure que se prolonge la crise liée au coronavirus. Ce 14 avril, Amazon était condamné à ne plus livrer que des produits « essentiels ».
Si le jugement évoque des recommandations sanitaires mal respectées par le premier marchand en ligne du monde, le déchaînement anti-Amazon en dit long sur nos contradictions. Faut-il s’insurger contre le leader de la vente à distance, ou contre les files d’attente devant les supermarchés ? Des supermarchés qui multiplient depuis des années les caisses automatiques, mais qui se retrouvent en même temps critiqués pour la mobilisation de leurs troupes en magasin. Nous entendons aussi les cris d’orfraie contre l’application StopCovid, qui se mêlent à l’impatience collective face à un confinement prolongé d’un mois. Et que dire des antennes-relais vandalisées au motif absurde que la 5G propagerait le coronavirus ? Une 5G au passage vertement critiquée par les adeptes de la décroissance, alors qu’elle pourrait demain nous permettre d’échanger, de travailler, de nous divertir, tout en limitant nos déplacements les plus polluants. Ces paradoxes symbolisent deux écueils récurrents dans l’appréhension du numérique. Le premier consiste à le diaboliser, en imaginant qu’il ne puisse servir qu’au pire. Le second consiste à l’idéaliser, en pensant qu’il sera la solution à tous nos problèmes. Comme toujours, la réalité est entre les deux, mouvante. Le commerce en ligne, le tracking, les robots et la 5G doivent être pris pour ce qu’ils sont : de simples outils, qui ne deviendront que ce que l’on voudra bien en faire.