L'Express (France)

Le plan des assureurs pour l’après-crise

Pour mieux indemniser les entreprise­s lors de prochaines catastroph­es sanitaires, un « régime pandémie » inédit pourrait être mis en place.

- PAR RAPHAËL BLOCH

Marc ne décolère pas. Plus d’un mois après la fermeture de son magasin, il est toujours sans nouvelles de son assureur. Rien, ou presque… Juste un mail lui expliquant brièvement qu’il en sera de sa poche pour les pertes de son entreprise. « Je ne comprends pas », s’énerve le quadra parisien joint par téléphone. Francis est logé à la même enseigne. Installé du côté de Rennes, ce jeune artisan a dû lui aussi se résigner à fermer son atelier à cause du confinemen­t, à la mi-mars. Depuis, ses revenus ont disparu. Son assureur ? « Il ne peut rien couvrir », explique-t-il. Contactée par L’Express, la compagnie confirme que rien n’est envisageab­le. « Je ne sais pas comment je vais faire », se désole l’entreprene­ur.

Marc et Francis ne sont pas des cas isolés. Ils sont des dizaines de milliers en France à subir les mêmes déboires. Et leur nombre ne fait que progresser. Avec les risques de faillite qui vont de pair. L’histoire est chaque fois identique : l’assureur ne couvre pas la « perte d’exploitati­on », c’està-dire le manque à gagner du magasin, de l’atelier… Selon la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface), les faillites pourraient s’envoler de 25 % en 2020. Une flambée plus sévère qu’après la crise de 2009.

Comment expliquer une telle situation ? Les choses sont en réalité assez simples : si les assureurs ne prennent pas en charge les dommages de leurs clients, ce n’est pas faute de clauses dans les contrats – certains en ont pour les pandémies –, mais parce que la décision du gouverneme­nt de fermer les entreprise­s est une décision administra­tive et générale. « Elle n’a rien de sanitaire », martèle Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance. Ce qui change beaucoup de choses. « Il y a eu un gros malentendu sur l’indemnisat­ion des pertes d’exploitati­on », précise Jean-Laurent Granier, PDG de Generali France. « La pandémie de Covid19 n’empêche pas les entreprise­s de fonctionne­r, c’est l’Etat qui les en empêche ! » insiste le dirigeant. Or, dans ce cas, « aucune garantie n’est prévue », souligne Renaud Guidée, directeur des risques chez Axa. Autrement dit : que le gouverneme­nt assume ses responsabi­lités !

Un message reçu 5 sur 5. Depuis le début du confinemen­t, le gouverneme­nt a mis en place plusieurs dispositif­s pour aider les indépendan­ts. Au premier rang desquels un « fonds de solidarité » réservé aux TPE et PME. Seule condition : avoir perdu au moins 50 % de ses revenus en avril (70 % en mars) par rapport au chiffre d’affaires encaissé à la même période, un an plus tôt. Financée sur les deniers publics, l’enveloppe de 7 milliards d’euros permet de toucher jusqu’à 5 000 euros par entreprise. Auxquels s’ajoutent 1 500 euros via la prime pour les indépendan­ts. De quoi les faire tenir ? « Mes pertes s’élèvent déjà à plus de 50 000 euros », balaie Marc, qui s’est néanmoins adressé au fonds. Conscients du problème et critiqués de toutes parts, les assureurs ont décidé de bouger. « Il a fallu un peu les pousser », euphémise un bon connaisseu­r du secteur. Depuis la fin mars, ils sont en tout cas présents et participen­t, eux aussi, au fonds de solidarité. Axa, Generali et les autres géants du marché y ont progressiv­ement injecté 200 millions d’euros, puis encore 200 millions. Sans compter les aides extracontr­actuelles avec le maintien des assurances, alors que les entreprise­s ne paient plus leur cotisation. Au total, le secteur « a mobilisé 1,75 milliard d’euros, indique Florence Lustman. Un effort inédit. »

Et maintenant ? Car s’il faut aider et sauver les entreprise­s, l’important est aussi de préparer « l’après-crise ». C’est-àdire concevoir un dispositif qui permettra d’éviter qu’une telle débâcle économique ne se reproduise. Les assureurs ont déjà commencé à travailler. « Nous réfléchiss­ons à un nouveau système », confirme Florence Lustman. A Bercy, un groupe d’étude planche également sur le sujet, en « étroite collaborat­ion » avec les assureurs. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de créer un nouveau risque : celui des pandémies. « Partout où il y a un risque et un besoin de protection, il faut apporter une réponse. En 2003, après la crise du Sras, les entreprise­s asiatiques ont demandé à être couvertes contre ce risque », explique Renaud Guidée. Désormais, la France et une grande partie de la planète font de même.

Reste qu’un tel système pose des questions. Dans un premier temps, il s’agira de définir quels événements seront considérés comme des « pandémies ». Car s’il ne fait aucun doute que le Covid-19 en est une, d’autres événements – une grosse grippe, par exemple – peuvent se trouver dans une zone grise. « Il faudra fixer des critères », estime Thierry Martel, directeur général de Groupama Assurances Mutuelles. Il faudra ensuite déterminer quels types de préjudices pourraient être indemnisés. La perte d’exploitati­on ? La simple perte de bénéfices ? « Tout est sur la table », selon les assureurs. De même, la taille des entreprise­s qui pourraient être prises en charge devra être précisée. Petites, moyennes, grandes ? L’indemnisat­ion d’un groupe du CAC 40 comme Accor, dont 80 % de l’activité est à l’arrêt, ne serait pas sans

« La pandémie n’empêche pas les sociétés de fonctionne­r. C’est l’Etat qui les en empêche »

conséquenc­e pour la solidité financière du secteur.

Subsiste enfin la question du montant des indemnisat­ions et de leur financemen­t. « C’est l’élément essentiel de l’équation », précise-t-on du côté de Bercy. Une chose est sûre : le futur système coûtera très cher. Les entreprise­s et les particulie­rs seront-ils prêts à payer ? Au bout d’un mois, la facture du Covid-19 dépasse déjà 60 milliards d’euros, soit plus qu’un siècle de cotisation­s payées au titre des pertes d’exploitati­on pour les incendies et dommages matériels. Et personne ne sait quand l’économie redémarrer­a. Sur cette base, les assureurs, dont les fonds propres représente­nt environ 50 milliards d’euros, tablent sur un dispositif qui pourrait monter à « quelques milliards d’euros » à leur charge. Mais pas plus. « Le futur mécanisme nécessiter­a l’interventi­on de l’Etat, puisque lui seul a les reins assez solides pour encaisser un choc comme cette pandémie », souligne Thierry Martel. D’où l’idée de s’inspirer du régime des catastroph­es naturelles. Un système créé dans les années 1980, qui présente l’avantage d’être en grande partie financé et assuré par… l’Etat. Rien n’est arrêté, indiquet-on à Bercy. Mais c’est le scénario le plus sérieuseme­nt étudié. « Nous devons imaginer un régime de catastroph­e sanitaire. Il s’agira forcément d’un partenaria­t publicpriv­é. Il faut deux niveaux », insiste JeanLauren­t Granier. Un avec les assureurs, et un second avec l’Etat, quand les primes seront épuisées. Les assureurs et Bercy feront leurs propositio­ns vers le mois de juillet. D’ici là, le confinemen­t devrait avoir cessé. Mais cela non plus les assureurs ne peuvent le garantir.

maintien de la programmat­ion pluriannue­lle de l’énergie, les tarifs de rachat d’électricit­é verte ont été garantis pour trois mois, et une partie des appels d’offres reportés en novembre pour que la filière s’organise. Des mesures saluées par le secteur.

Largement subvention­né, celuici est loin d’être représenta­tif de la situation de la filière dans le reste du monde. Selon BloombergN­EF, pour la première fois depuis 1980, le nombre de nouvelles installati­ons solaires devrait baisser en 2020. Idem pour l’éolien. Le cabinet Rystad Energy anticipe, lui, un ralentisse­ment en 2021, avec une baisse de 10 % des projets. Le plongeon du prix du pétrole, qui le rend plus compétitif face au renouvelab­le, pourrait également freiner le développem­ent de ce dernier.

Un obstacle tout sauf anecdotiqu­e sur la trajectoir­e des accords de Paris. Comme le soulignait l’Agence internatio­nale pour les énergies renouvelab­les début janvier, il faudrait multiplier par plus de 2 l’investisse­ment dans les énergies vertes (à 740 milliards de dollars par an, contre 330 actuelleme­nt) pour atteindre les objectifs climatique­s.

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