Profession : salarié en prêt
Le ministère du Travail facilite la mise à disposition d’employés au chômage partiel d’une entreprise à une autre. Une expérience au succès limité.
Proposer à des collaborateurs au chômage partiel de travailler temporairement dans une autre entreprise… Face à la crise, « la mise à disposition » relève du bon sens. Le salarié conserve son contrat et 100 % de sa paie. L’entreprise d’accueil rembourse juste l’entreprise d’origine. Pour soutenir l’idée, le ministère du Travail a même allégé la paperasse. Mais un mois après le début du confinement, avec près de 9 millions de Français au chômage partiel, l’expérience semble limitée. La Rue de Grenelle n’a pas encore de bilan chiffré. Si quelques centaines de cas ont bien été enregistrées, principalement dans deux secteurs sous tension – le transport routier et la grande distribution –, le succès reste mitigé.
Au siège parisien de l’AFT, une des principales associations de transporteurs et de logisticiens, une bourse d’échange gratuite a été lancée le 26 mars. Petites annonces, coordonnées, avenants… Tout est simplifié au maximum. « Mais, bizarrement, les entreprises sont frileuses à l’idée de prêter leurs chauffeurs. Et pourtant, les besoins sont là, en IledeFrance et dans le Grand Est notamment », fait remarquer JeanPierre Gaumet, président de l’AFT. A ce jour, quelque 450 postes de chauffeurs proposés sur la plateforme ne trouveraient pas preneurs. Comment expliquer ce manque d’engouement ? « Les syndicats ne voient pas l’expérience d’un bon oeil. Ça crée également des tensions entre les chauffeurs. Et avec l’Etat qui compense les salaires, pourquoi chercher les problèmes ? » se justifie, un brin cynique, un transporteur francilien.
Dans la grande distribution, à l’inverse, un cas a marqué les esprits : celui des salariés d’une grande chaîne de l’habillement qui ont été transférés dans des supermarchés Franprix. Caissiers, managers… Une centaine de postes en tout. « Cela a pu se faire parce que les deux DRH s’entendent très bien. Et ils ne veulent pas en parler », confie une source proche du dossier.
Les transferts de collaborateurs dans le périmètre d’un même groupe semblent beaucoup plus prometteurs. « La première semaine, on a constaté une hausse de 50 % des mouvements sur notre base de données. C’est énorme ! » confie Quentin Guilluy, jeune PDG d’Andjaro, une plateforme RH utilisée par Sodexo, Elior ou Engie. A La Vie claire, la solution développée par Marion Oliveira, de la startup Laponi, a permis au patron de ce réseau d’épiceries bio d’ouvrir la quasitotalité de sa centaine de points de vente, même avec 20 % d’effectifs en moins. « On a revu les horaires et, grâce à des petites annonces émises par les managers, on a utilisé 100 % de la force disponible en redéployant des collaborateurs volontaires », se félicite Hugues Robinet, directeur de la branche magasins intégrés de La Vie claire. Signe de l’évangélisation, le dirigeant se dit même prêt à accueillir des salariés de ses concurrents.