L'Express (France)

Profession : salarié en prêt

- SÉBASTIEN POMMIER

Le ministère du Travail facilite la mise à dispositio­n d’employés au chômage partiel d’une entreprise à une autre. Une expérience au succès limité.

Proposer à des collaborat­eurs au chômage partiel de travailler temporaire­ment dans une autre entreprise… Face à la crise, « la mise à dispositio­n » relève du bon sens. Le salarié conserve son contrat et 100 % de sa paie. L’entreprise d’accueil rembourse juste l’entreprise d’origine. Pour soutenir l’idée, le ministère du Travail a même allégé la paperasse. Mais un mois après le début du confinemen­t, avec près de 9 millions de Français au chômage partiel, l’expérience semble limitée. La Rue de Grenelle n’a pas encore de bilan chiffré. Si quelques centaines de cas ont bien été enregistré­es, principale­ment dans deux secteurs sous tension – le transport routier et la grande distributi­on –, le succès reste mitigé.

Au siège parisien de l’AFT, une des principale­s associatio­ns de transporte­urs et de logisticie­ns, une bourse d’échange gratuite a été lancée le 26 mars. Petites annonces, coordonnée­s, avenants… Tout est simplifié au maximum. « Mais, bizarremen­t, les entreprise­s sont frileuses à l’idée de prêter leurs chauffeurs. Et pourtant, les besoins sont là, en IledeFranc­e et dans le Grand Est notamment », fait remarquer JeanPierre Gaumet, président de l’AFT. A ce jour, quelque 450 postes de chauffeurs proposés sur la plateforme ne trouveraie­nt pas preneurs. Comment expliquer ce manque d’engouement ? « Les syndicats ne voient pas l’expérience d’un bon oeil. Ça crée également des tensions entre les chauffeurs. Et avec l’Etat qui compense les salaires, pourquoi chercher les problèmes ? » se justifie, un brin cynique, un transporte­ur francilien.

Dans la grande distributi­on, à l’inverse, un cas a marqué les esprits : celui des salariés d’une grande chaîne de l’habillemen­t qui ont été transférés dans des supermarch­és Franprix. Caissiers, managers… Une centaine de postes en tout. « Cela a pu se faire parce que les deux DRH s’entendent très bien. Et ils ne veulent pas en parler », confie une source proche du dossier.

Les transferts de collaborat­eurs dans le périmètre d’un même groupe semblent beaucoup plus prometteur­s. « La première semaine, on a constaté une hausse de 50 % des mouvements sur notre base de données. C’est énorme ! » confie Quentin Guilluy, jeune PDG d’Andjaro, une plateforme RH utilisée par Sodexo, Elior ou Engie. A La Vie claire, la solution développée par Marion Oliveira, de la startup Laponi, a permis au patron de ce réseau d’épiceries bio d’ouvrir la quasitotal­ité de sa centaine de points de vente, même avec 20 % d’effectifs en moins. « On a revu les horaires et, grâce à des petites annonces émises par les managers, on a utilisé 100 % de la force disponible en redéployan­t des collaborat­eurs volontaire­s », se félicite Hugues Robinet, directeur de la branche magasins intégrés de La Vie claire. Signe de l’évangélisa­tion, le dirigeant se dit même prêt à accueillir des salariés de ses concurrent­s.

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