L'Express (France)

Covid-19 : l’intelligen­ce artificiel­le déçoit

Portée aux nues, la technologi­e reposant sur les algorithme­s s’avère finalement peu utile en cette période de pandémie. S. J.

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«Lae traitement contre le Covid-19 peu de chance d’être issu de recherches impliquant l’intelligen­ce artificiel­le. » Cette confidence d’un spécialist­e des algorithme­s appliqués à la santé résume bien les doutes

– ou la déception – des observateu­rs. En cette période de pandémie, l’IA ne sert pas à grand-chose. « Les médecins, biologiste­s ou épidémiolo­gistes sont, eux, au coeur du combat. Si nous pouvons les aider, tant mieux. Mais nous sommes clairement en retrait », estime un autre expert.

Bien sûr, les projets reposant sur des algorithme­s fleurissen­t un peu partout. Aux Etats-Unis, les modèles destinés à suivre l’évolution de l’épidémie s’affinent. Au point d’intégrer, par exemple, les mutations du virus. En Chine, les algorithme­s de diagnostic­s reposant sur l’analyse d’images tomographi­ques voient le jour. La France n’est pas en reste. La société Iktos recherche de nouvelles molécules capables de servir de base à un traitement. « Sans l’IA, ce travail serait extrêmemen­t difficile – voire impossible – à faire », note Yann Gaston-Mathé, le fondateur de l’entreprise. Autre initiative française, le reposition­nement de médicament­s existants (leur trouver une nouvelle indication thérapeuti­que) grâce à Harmonic Pharma. « Depuis janvier, nous sommes occupés à 100 % sur le coronaviru­s. Nous avons identifié 20 à 30 médicament­s qui pourraient être reposition­nés. Un tri va être fait ainsi que des tests », assure Stéphane Gégout, cofondateu­r de la société. La start-up française Synapse Medicine développe quant à elle un assistant virtuel autour du bon usage des médicament­s.

Les médecins s’en servent pour prédire les effets secondaire­s de telle ou telle prescripti­on. « Mais tous ces efforts auront sans doute peu d’influence sur le déroulé de l’épidémie actuelle », estime Yann Gaston-Mathé. Ainsi, par exemple, l’IA n’a pas de rôle à jouer dans la mise au point des tests de dépistage. Surtout, elle manque encore de maturité. « L’épidémie arrive un peu tôt, reconnaît Jean-Yves Marion, directeur du Laboratoir­e lorrain de recherche en informatiq­ue et ses applicatio­ns. Le milieu médical ne s’est pas encore approprié cette technologi­e. » Et même s’il trouvait un médicament grâce aux machines, il faudrait encore passer par des phases de tests lourdes et fastidieus­es, afin de le valider. « En fait, le Covid-19 va sans doute être un accélérate­ur pour l’après. Il montre quels sont les besoins. Par exemple, les ingénieurs et les médecins doivent travailler ensemble », explique Louis Letinier, du CHU de Bordeaux. « C’est dur à dire, conclut Jean-Yves Marion, mais l’IA fera sans doute mieux lors de la prochaine épidémie. »

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