NON / LA PRIORITÉ EST LA LUTTE CONTRE UN EFFONDREMENT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL
Il est d’abord regrettable que l’idée d’imposer des contreparties aux aides versées aux entreprises contribue à entretenir cette opposition si française entre dividendes et intérêts des salariés. Comme si le dividende n’était pas la rémunération d’un financeur essentiel de l’entreprise (l’actionnaire), mais une forme de spoliation du salarié. La France, hélas !, reste prisonnière d’une compréhension simpliste du fonctionnement économique qui ne serait que conflit et jeu à somme nulle. Ce sont bien des salariés qui risquent d’en être indirectement les victimes, tout autant que des actionnaires.
Il me semble ensuite que l’on se trompe d’enjeu. En conditionnant son aide, l’Etat est un peu dans la position du médecin qui exigerait un certificat de moralité de son patient avant de le soigner. L’exercice mené est celui d’un sauvetage du tissu économique. Il s’agit d’éviter un effondrement économique général de la France, qui serait créateur non seulement de grandes misères, mais aussi de profonds désordres sociaux et politiques. L’éventuelle « moralisation » des entreprises viendra après.
Il ne faudrait pas, de plus, que les conditions posées soient un prétexte commode pour faire baisser la facture (certes, très salée), au détriment de la finalité poursuivie, qui est celle de préserver l’emploi. Une fois encore, la puissance publique risquerait de rater son but premier, tiraillée qu’elle est entre maints objectifs souvent contradictoires.
Le principe du conditionnement des aides actuelles fait craindre une surenchère interventionniste dans la gestion des entreprises. La liste des exigences que ces dernières devraient respecter ne cesse de s’allonger depuis que les vannes ont été ouvertes avec la problématique des dividendes. Greenpeace, par exemple, propose de conditionner les aides au bilan environnemental. Ces questions ont leur intérêt et devront être posées, mais l’urgence de la situation et l’état de grande faiblesse des entreprises rendent l’immixtion dans leurs choix particulièrement intempestive.