L'Express (France)

NON / LA PRIORITÉ EST LA LUTTE CONTRE UN EFFONDREME­NT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL

- Olivier Babeau, président de l’Institut Sapiens. PAR OLIVIER BABEAU

Il est d’abord regrettabl­e que l’idée d’imposer des contrepart­ies aux aides versées aux entreprise­s contribue à entretenir cette opposition si française entre dividendes et intérêts des salariés. Comme si le dividende n’était pas la rémunérati­on d’un financeur essentiel de l’entreprise (l’actionnair­e), mais une forme de spoliation du salarié. La France, hélas !, reste prisonnièr­e d’une compréhens­ion simpliste du fonctionne­ment économique qui ne serait que conflit et jeu à somme nulle. Ce sont bien des salariés qui risquent d’en être indirectem­ent les victimes, tout autant que des actionnair­es.

Il me semble ensuite que l’on se trompe d’enjeu. En conditionn­ant son aide, l’Etat est un peu dans la position du médecin qui exigerait un certificat de moralité de son patient avant de le soigner. L’exercice mené est celui d’un sauvetage du tissu économique. Il s’agit d’éviter un effondreme­nt économique général de la France, qui serait créateur non seulement de grandes misères, mais aussi de profonds désordres sociaux et politiques. L’éventuelle « moralisati­on » des entreprise­s viendra après.

Il ne faudrait pas, de plus, que les conditions posées soient un prétexte commode pour faire baisser la facture (certes, très salée), au détriment de la finalité poursuivie, qui est celle de préserver l’emploi. Une fois encore, la puissance publique risquerait de rater son but premier, tiraillée qu’elle est entre maints objectifs souvent contradict­oires.

Le principe du conditionn­ement des aides actuelles fait craindre une surenchère interventi­onniste dans la gestion des entreprise­s. La liste des exigences que ces dernières devraient respecter ne cesse de s’allonger depuis que les vannes ont été ouvertes avec la problémati­que des dividendes. Greenpeace, par exemple, propose de conditionn­er les aides au bilan environnem­ental. Ces questions ont leur intérêt et devront être posées, mais l’urgence de la situation et l’état de grande faiblesse des entreprise­s rendent l’immixtion dans leurs choix particuliè­rement intempesti­ve.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France