Les réseaux sociaux, terrain d’affrontement entre police et cités
Les forces de l’ordre et les quartiers sensibles se livrent une guerre de communication en ligne, à coups de rumeurs, fausses informations et vidéos chocs.
Une fake news peut-elle embraser les cités ? Au soir du samedi 18 avril, la question se pose, alors que la rumeur de deux bavures policières se répand sur les réseaux sociaux : l’une à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), l’autre à Villeneuvela-Garenne (Hauts-de-Seine), où une voiture de service aurait arraché la jambe d’un motard. Dans les heures suivantes, on apprend que la première victime a été blessée dans une rixe. Et que l’autre a percuté la portière ouverte du véhicule – dans des circonstances que l’IGPN, la police des polices, devra élucider. Déformés, retweetés, mêlés à des slogans anti-flics comme #Mortauxporcs, ces récits ont provoqué une hausse des violences urbaines en Ile-de-France.
Pour faire connaître leur vérité, les policiers s’expriment de plus en plus sur Twitter. Quitte, parfois, à céder euxmêmes à l’intox. Plusieurs ont relaté à tort l’incendie d’un commissariat à Strasbourg la semaine dernière. Le ministère de l’Intérieur les laisse libres, car il sait le poids de leur audience et l’utilité de leur francparler. Parmi ces voix, celle d’Abdoulaye Kanté (15 000 abonnés) : « Dans l’affaire de Villeneuve, la communication officielle est arrivée tardivement. Nous avons pris les choses en main pour appeler à la prudence.
Ce qui m’a valu un millier de messages menaçants ou racistes. » La préfecture de police a démenti la rumeur du « 9-2 » le dimanche après-midi. Une initiative rare, quoique tardive, destinée à contrer l’activisme de la gauche radicale sur le thème des violences policières.
Les cités, elles aussi, maîtrisent les codes « 2.0 ». Amal Bentounsi, fondatrice du collectif Urgence-notre-police-assassine, a lancé une application anti-bavures sur smartphone pour filmer les interpellations qui dégénèrent. « Avec cet outil, dit-elle, les images seront envoyées en direct sur le serveur de notre association. »
Les témoins, mais également les incendiaires, privilégient le réseau Snapchat, à l’instar de 60 % des 18-34 ans. Les rumeurs de La Courneuve et de Villeneuve-laGarenne ont émergé sur cette plateforme, comme les vidéos des violences urbaines sur lesquelles les vidéastes en quête de notoriété incrustent leur nom. « Les casseurs, lors des émeutes de 2005, cherchaient à augmenter le nombre de voitures brûlées communiqué à la télévision, souligne Matthieu Valet, du Syndicat indépendant des commissaires de police. Aujourd’hui, ils n’ont plus besoin des médias traditionnels. »