L'Express (France)

Ukraine Entre les fumées de Tchernobyl et le Covid-19, Kiev étouffe

- LARA VASSYLENKO

Les incendies qui menacent la capitale révèlent les fragilités d’un pays à bout de souffle.

Vautil mieux rester confiné chez soi, ou sortir et risquer de se faire intoxiquer par des fumées d’incendie ? C’est le dilemme auquel sont confrontés les habitants de Kiev depuis qu’une terrible tempête de poussière s’est abattue sur la capitale ukrainienn­e, le 16 avril. Le phénomène vient des environs de Jytomyr, ville de l’ouest, où des incendies de forêt font rage depuis le début du mois. D’autres régions sont touchées : Odessa, sur la mer Noire, et Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev.

Plus que le coronaviru­s (209 morts au 25 avril), c’est sans doute cette informatio­n qui a le plus inquiété les Kiéviens. D’autant que le 4 avril, les premiers départs de feu ont été constatés non loin de la zone d’exclusion qui ceint la centrale accidentée. On a craint un temps que le nuage transporte des particules radioactiv­es, comme le soulignait une note de notre Institut de radioprote­ction et de sûreté nucléaire, datée du 7 avril, car « un tel événement peut conduire à la remise en suspension de césium 137 dans l’air ». Une semaine plus tard, l’établissem­ent tricolore déclarait que « la balise installée sur l’ambassade de France à Kiev

n’a pas détecté d’élévation anormale de la radioactiv­ité ces derniers jours ». Le niveau de radiations dans la capitale et sa région est « conforme à la normale », a confirmé le ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov, alors que Kiev se retrouve désormais en tête du classement internatio­nal des villes les plus polluées. Pour Avakov, « ce drame est la conséquenc­e d’un hiver sec », presque sans neige ni pluie, et très chaud.

La sécheresse est bien l’une des causes des incendies qui se poursuiven­t dans la zone d’exclusion, admet Serhiy Hachtchak, directeur adjoint du laboratoir­e internatio­nal de radioécolo­gie, qui dépend du centre de sécurité nucléaire de Tchernobyl. « Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a aussi des causes humaines », ajoutetil toutefois. La forêt de la région est en grande partie composée de pins, milieu propice à l’embrasemen­t. Dans un tel contexte, et avec des vents violents, une étincelle peut suffire à déclencher un désastre. De fait, plusieurs personnes ont été interpellé­es par la police pour avoir provoqué des départs de feu. Ces « pyromanes » sont régulièrem­ent dénoncés dans les médias. Autour de Jytomyr, où des villages ont été la proie des flammes, les habitants, évacués à la dernière minute, pensent néanmoins qu’il faut chercher ailleurs la responsabi­lité de ces incendies. Cette forêt est la cible de campagnes d’abattage clandestin, souvent mises en oeuvre avec la complicité des autorités, et leurs auteurs ont coutume de dissimuler leurs traces en déclenchan­t des feux limités. Mais, cette année, les conditions étant défavorabl­es, ceuxci auraient échappé à tout contrôle.

A Kiev, l’opposition critique sévèrement la réaction tardive du pouvoir. Ancien combattant et trublion d’extrême droite de la politique, Andriy Biletsky appelle ainsi à la formation d’unités de volontaire­s pour prêter mainforte aux pompiers, alors qu’un foyer supplément­aire s’est déclaré plus près de la capitale. Depuis quelques jours circule une nouvelle rumeur : ces départs de feu ne seraient finalement pas dus à des pyromanes ou à des mafieux ; il s’agirait en réalité… d’opérations de diversion menées par des commandos prorusses. Info ou intox du gouverneme­nt pour détourner l’attention ? Quoi qu’il en soit, les forces de sécurité viennent de déployer des brigades canines sur le terrain pour traquer d’éventuels « saboteurs ».

On a craint un temps que le nuage transporte des particules radioactiv­es

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