L'Express (France)

Bruno Retailleau : « Une droite moderne n’est pas une ancienne gauche »

Le chef de file de la droite sénatorial­e estime que la France ne sortira de la crise sociale et économique qu’à la condition d’un surcroît d’efforts.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CAMILLE VIGOGNE LE COAT

Quelle est la principale leçon politique que l’on peut d’ores et déjà tirer de l’épreuve que nous vivons ?

Bruno Retailleau Pour la vie publique, cette crise est révélatric­e du mal français : la bureaucrat­ie. A cause de l’impuissanc­e publique, les annonces ne prennent pas corps dans la réalité. Et c’est aussi ce qui explique la crise de confiance et la fatigue de notre démocratie. Regardez l’incapacité de l’administra­tion à commander des masques à temps ! Comment se fait-il qu’avec 56 % du PIB consacré à la dépense publique – soit 14 % des dépenses sociales mondiales –, et qu’avec la fiscalité la plus lourde et la plus redistribu­tive des pays développés, l’Etat ne soit pas capable de protéger convenable­ment les Français ?

Cette crise signe aussi la défaite du progressis­me, auquel il manque le sens du tragique. C’est tout le catéchisme macroniste qui s’effondre : la croyance en un progrès

perpétuel, l’individual­isme émancipate­ur, la mondialisa­tion heureuse. Nous avons vu où tout cela nous mène : on a mis des semaines à prendre la décision de bon sens de fermer les frontières. Un tel aveuglemen­t idéologiqu­e est mortifère. Le retour au réel s’impose. C’est pourquoi le monde d’après ne pourra pas être ce que l’on nous a vendu comme le nouveau monde.

Chez Les Républicai­ns, il y a ceux qui plaident pour une « droite sociale », comme Aurélien Pradié, et ceux qui défendent le libéralism­e, comme François-Xavier Bellamy. De quel côté vous situez-vous ?

Il faut tourner le dos aux idées fausses : comme le disait André Siegfried [NDLR : historien pionnier de la sociologie électorale], « une droite moderne, ce n’est pas une ancienne gauche ». Si on revient aux vieilles idées, la France sortira de l’Histoire. On a dit aux Français qu’en travaillan­t toujours moins on pouvait garder un très haut niveau de protection, tout en augmentant notre niveau de vie. Ce n’est pas vrai. Depuis 2000 et la mise en place des 35 heures, la richesse d’un Français est 13 % moins élevée que celle d’un Allemand. Voilà pourquoi nous n’avons plus les moyens de financer un système de santé efficace, comme chez nos voisins d’outreRhin. Soit on s’efface de l’Histoire, soit on se relève. Mais je ne connais pas un peuple qui se soit relevé d’une grande épreuve sans un surcroît d’efforts.

Comment expliquer de telles divergence­s au sein d’une même famille politique ?

Droite libérale, sociale, souveraini­ste, régalienne… sont des étiquettes que l’on colle et décolle au gré des vents. L’action politique offre toute une palette d’outils, mais pour une seule tâche : oeuvrer dans l’intérêt de la France et pour le bien des Français. C’est sur cela que nous devons fonder nos propositio­ns, et non pas sur des réflexes dogmatique­s ou des idées molles.

Il est illusoire de croire que l’Etat pourra distribuer du pouvoir d’achat sur la montagne de dettes que nous sommes en train de créer. Il faudra recréer de la richesse nationale pour améliorer le niveau de vie des Français. Il faudra aussi répondre à l’angoisse populaire de la dépossessi­on identitair­e. Là encore, ce sont les plus fragiles qui l’éprouvent le plus durement. La droite doit avoir le courage de la vérité. Nous ne regagneron­s pas la confiance des citoyens avec du marketing électoral ou des vieilles recettes.

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Patron du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau appelle la droite à se refonder.

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