Inde Du riz pour désinfecter les mains
Alors que la faim gagne le pays, le gouvernement Modi veut utiliser des surplus agricoles pour fabriquer du gel hydroalcoolique.
Donner à manger aux indigents ou produire davantage de désinfectant pour les mains ? Entre les deux, l’Inde a choisi le désinfectant. Le ministre du Pétrole du gouvernement Modi, Dharmendra Pradhan, a annoncé le 20 avril que les surplus constatés dans les stocks de riz du pays allaient pouvoir être distribués aux distilleries afin de produire du gel hydroalcoolique à destination des hôpitaux. En pleine épidémie de coronavirus, et alors que les travailleurs journaliers sont confinés sans aucun revenu, cette décision soulève l’indignation générale. « Des millions d’Indiens souffrent actuellement de la famine un peu partout. C’est à eux qu’on devrait distribuer les surplus ! » tempête Yogendra Yadav, un ancien leader politique de Delhi devenu défenseur des plus défavorisés. Selon la Food Corporation of India (FCI), qui gère les stocks agricoles, plus de 30 millions de tonnes de riz dorment dans des entrepôts. « C’est comme si une famille laissait ses membres les plus faibles mourir de faim alors que le grenier de la maison est plein à ras bord », s’indigne le chercheur Jean Drèze, très impliqué dans la sphère sociale. Pourquoi le gouvernement ne pioche-t-il pas dans ce stock pour distribuer de la nourriture aux affamés ? « C’est juste un problème de comptabilité », dénonçait récemment dans The Indian Express ce professeur d’économie à l’université de Ranchi, dans l’est du pays. Selon lui, la distribution des surplus apparaît en effet comme un coût dans les comptes de l’Etat, car la FCI achète le riz aux agriculteurs à des prix minimaux garantis. Or, avec la crise économique qui s’annonce, le gouvernement veut limiter le dérapage du déficit public afin que l’Inde puisse continuer à financer sa dette. Logique sur le plan budgétaire, beaucoup moins sur le plan humain. Surtout par temps de pandémie. W