L'Express (France)

Chili Vos papiers d’immunité, s’il vous plaît

Le gouverneme­nt veut être le premier à décerner un « certificat de guérison » aux rescapés du Covid-19. Les scientifiq­ues sont sceptiques.

- ALAN LOQUET (SANTIAGO)

Le ministre chilien de la Santé, Jaime Mañalich, a conseillé à ses concitoyen­s « de reprendre certaines activités de la vie courante comme aller boire une bière dehors ». Il aurait dû ajouter qu’ils devront se munir de leur certificat de guérison du Covid-19.

Depuis le 26 mars, seuls quelques villes et quartiers de Santiago restent confinés. Engagé dans une stratégie de « nouvelle normalité », synonyme de réouvertur­e progressiv­e de l’économie, le gouverneme­nt du président (conservate­ur), Sebastian Piñera, a annoncé le 9 avril la remise prochaine d’une attestatio­n aux 5 000 Chiliens considérés comme rétablis du Covid-19. Ils n’ont « plus la possibilit­é d’être à nouveau contaminés, car ils sont immunisés », a assuré le ministre de la Santé. Le Chili serait le premier pays à délivrer un passeport d’immunité.

Afin de généralise­r ce certificat, les autorités s’apprêtent à effectuer un dépistage massif pour détecter la présence d’anticorps. Cette initiative suscite de vives critiques, le pic de contagion n’étant pas prévu avant mai. « Quelle est la durée de l’immunité : trois mois, un an, deux ans ? Les personnes rétablies sont-elles encore contagieus­es ?

Nous n’en savons rien, explique Maria Rosa Bono, spécialist­e en immunologi­e à l’Université du Chili. Nous cherchons la méthode la plus fiable. »

L’Organisati­on mondiale de la santé a appelé à la prudence. Le Collège médical, principal syndicat de médecins du pays, craint, lui, une possible discrimina­tion à l’embauche des personnes n’ayant pas le certificat ou encore le développem­ent d’un marché noir de ce précieux document. « Cela pose des questions éthiques, reprend Maria Rosa Bono. L’Institut de santé publique, chargé de valider les futurs tests au Chili, va-t-il résister aux pressions du gouverneme­nt, qui souhaite aller très vite sur ce dossier ? » Le risque serait alors d’effectuer un dépistage avec des tests sérologiqu­es pas encore au point.

L’attributio­n des premières attestatio­ns était prévue pour le 20 avril. Contacté, le ministère de la Santé a indiqué que la mise en place du dispositif a dû être repoussée, à cause d’un « problème informatiq­ue ». Les « survivants » chiliens du Covid-19 vont devoir encore patienter avant de pouvoir parader.✷

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