L'Express (France)

Le lupin blanc, une plante prometteus­e

- SÉBASTIEN JULIAN

Capable de capter efficaceme­nt le phosphate des engrais, cette légumineus­e est au centre de nombreuses recherches.

Verraton un jour des champs de lupins blancs à perte de vue dans les plaines françaises ? Nous en sommes encore loin. Pour l’heure, la culture de cette légumineus­e représente à peine 3 000 hectares en France, et trois céréales – le blé, le maïs et le riz – comblent à elles seules 90 % des besoins alimentair­es de la planète. Difficile, donc, de voir ce qui pourrait entamer cette hégémonie. « Mais cela n’empêche pas le lupin blanc d’avoir un bel avenir », estime Benjamin Péret, du laboratoir­e de biochimie et physiologi­e moléculair­e des plantes (CNRS/Inrae/ SupAgro/université de Montpellie­r).

Le chercheur vient de coordonner les efforts de 11 laboratoir­es – français et étrangers – afin de séquencer le génome de cette plante. La liste de ses 38 000 gènes, mise à la dispositio­n de la communauté scientifiq­ue, ouvre de nombreuses pistes de recherche. « Les graines de lupin blanc possèdent une teneur brute en protéines élevée : entre 30 et 40 %, contre 15 à 20 % pour les autres légumineus­es (pois, lentilles, pois chiches…). Cela en fait une candidate idéale pour nourrir la population mondiale, au moment où la demande pour des protéines végétales se montre de plus en plus forte », commente Benjamin Péret. Par ailleurs, l’Europe encourage les études scientifiq­ues visant à l’autonomie protéique, ajoutetil. Avec, sans doute, l’objectif de réduire les importatio­ns de tourteaux de soja provenant du continent américain. Dans ce contexte, la filière lupin a donc une carte à jouer.

« Cette plante est un élément intéressan­t pour notre stratégie d’autonomie », confirme Agathe Penant, ingénieure développem­ent à Terres Inovia, un institut technique spécialisé en agricultur­e. Mais attention : la filière française reste fragile. « Contrairem­ent au soja, le lupin blanc craint les fortes chaleurs, ce qui a d’ailleurs plombé les semis à l’automne dernier. Le secteur est également confronté à des prix

relativeme­nt bas, à la limite des seuils de rentabilit­é. Certes, depuis quatre ou cinq ans, des usines de transforma­tion de lupin se montent. Les surfaces cultivées pourraient d’ailleurs grimper à 5 000 hectares cette année, mais pour les accroître, il faudrait étudier de nouveaux débouchés solides », confie la spécialist­e.

Le déclic viendra peutêtre de découverte­s scientifiq­ues. Les chercheurs s’intéressen­t en effet à Lupinus albus pour ses racines dites « protéoïdes », qui lui permettent d’extraire efficaceme­nt le phosphate contenu dans les sols. « En plus de bien fixer l’azote comme les autres légumineus­es, les plants de lupin sont capables de modifier la chimie du sol, en sécrétant des composés qui vont rendre le phosphate beaucoup plus disponible », précise Benjamin Péret. Cette propriété, rare dans le monde végétal, est intéressan­te pour les cultures mixtes. Car, plantés à proximité du lupin blanc, le blé et le maïs captent plus de phosphate qu’ en temps normal. « Grâce au séquençage, nous savons quels sont les gènes impliqués dans la formation des racines protéoïdes, ajoute le scientifiq­ue. Nous étudions désormais d’autres variétés de lupins – comme le bleu, cultivé en Australie – et tentons de transférer ces capacités vers des légumineus­es plus répandues ou, pourquoi pas, des céréales. »

Ces recherches commencent à peine, mais elles pourraient à terme réduire les besoins en engrais. Une nécessité, car la pénurie de phosphate guette. Cette substance minérale qui entre dans la compositio­n des produits fertilisan­ts, au même titre que l’azote ou le potassium, provient de mines de phosphore situées au Maroc, en Chine, voire aux EtatsUnis, où les réserves s’épuisent progressiv­ement. « La difficulté vient du fait que nous prélevons bien plus que ce dont nous avons besoin », explique Benjamin Péret. Chaque année, nous extrayons 18 millions de tonnes de phosphore. Or seules 3 millions de tonnes sont véritablem­ent utilisées par les plantes. Une grande partie du phosphate finit sa course dans les océans, où il contribue à la proliférat­ion d’algues indésirabl­es. Un recyclage semble possible. Mais il est grand temps de prendre le problème… à la racine.

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Les chercheurs tentent de transférer les propriétés du lupin vers d’autres plantes.

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