Les très riches heures de Vladimir Vladimirovitch
PUTIN’S PEOPLE : HOW THE KGB TOOK BACK RUSSIA AND THEN TURNED ON THE WEST PAR CATHERINE BELTON. WILLIAM COLLINS, 640 P., 34 €.
Depuis qu’il a pris la tête de la Russie en l’an 2000, Vladimir Poutine a inspiré un nombre considérable de livres. L’ascension de cet officier subalterne du KGB se retrouvant soudain aux commandes du plus grand pays du monde a de quoi enfiévrer les plumes. Pourtant, que de mystères demeurent autour de ce personnage énigmatique, sur sa personnalité et son projet… On s’est beaucoup trompé ou illusionné, ce qui revient à peu près au même. La journaliste Catherine Belton est une des plus grandes spécialistes de la Russie contemporaine. Dans Putin’s People, elle nous offre le meilleur récit sur la façon dont Vladimir Poutine a fait de la Fédération sa chose, avec l’aide des services de renseignement, et explique pourquoi il était écrit, dès le début, que le projet de cet homme et de ses alliés serait de poursuivre la guerre froide.
Elle raconte notamment comment, quelques mois avant la chute du régime estallemand, plusieurs officiers supérieurs du KGB ont commencé à travailler sur des scénarios de transformation de l’URSS, alors que Mikhaïl Gorbatchev était à la peine, aux prises avec une crise financière profonde. Elle revient sur les conditions dans lesquelles Vladimir Poutine a été « embauché » par ce groupe, comme « coordinateur », alors qu’il exerçait les fonctions de maire adjoint de SaintPétersbourg, dont le premier magistrat, Anatoli Sobtchak, s’était imposé comme un pionnier des réformes économiques. Elle analyse, à partir de multiples témoignages, les étranges alliances qui se sont nouées, dès le milieu des années 1980, entre les dirigeants du Parti communiste, les chefs d’organisations mafieuses ainsi que les jeunes banquiers et entrepreneurs qui allaient prendre possession des pépites industrielles et énergétiques du pays.
Ce livre révèle par ailleurs les outrances de la propagande nationale, visant à faire croire que la Russie s’était retournée contre les Occidentaux en raison des humiliations que ceuxci lui auraient infligées. De fait, la Fédération est toujours en guerre contre l’Ouest, par des voies détournées, en mobilisant son soft power, mais aussi toutes les ressources de la technologie pour affaiblir les démocraties et semer le trouble dans les esprits.
Dans cette stratégie, il reste une grande absente : l’économie. Encore fondée sur l’énergie et les matières premières, elle n’a jamais su se diversifier, en dépit d’une longue période de vaches grasses. Les Russes les plus modestes sont les oubliés du régime poutinien. Mais cela n’empêchera probablement pas le « coordinateur » de poursuivre sa mission tout au long de la décennie qui vient.