L'Express (France)

Canada Le triomphe modeste du Dr Bonnie Henry

Empathique et efficace, la directrice de la santé de la Colombie-Britanniqu­e suscite un engouement populaire au sein de la province. Et bien au-delà.

- CHRISTOPHE THOREAU (VANCOUVER)

Submergée par l’émotion, Bonnie Henry s’interrompt un instant et verse quelques larmes avant de se ressaisir. « I am sorry, je suis un peu fatiguée », s’excuse l’épidémiolo­giste lors d’un de ses points presse quotidiens. C’était il y a deux mois. Depuis le début de mars, c’est en effet à la directrice de la santé de la Colombie-Britanniqu­e (ouest du pays) qu’il revient d’annoncer chaque jour le nombre de décès liés au coronaviru­s dans cette région de 5 millions d’habitants. Ce jour-là, cette spécialist­e de la médecine préventive touche au coeur ses compatriot­es, éclipsant même, sans le vouloir, le ministre de la Santé de la province, Adrian Dix.

Empathique et rassurante, elle est devenue en quelques semaines le médecin de famille de tous les habitants de la province, qui apprécie sa manière de prendre de la hauteur. « Dans La Peste, Albert Camus capture la psyché des gens, rappelle ainsi, sur la chaîne publique CBC, cette passionnée de littératur­e. C’est l’une des choses que j’ai apprises en chassant les maladies infectieus­es. Elles ne provoquent pas la même peur que les autres types de catastroph­es parce que l’on ne comprend pas encore cette maladie. »

Sa trajectoir­e impose le respect. Diplômes de médecine de l’université Dalhousie, en Nouvelle-Ecosse (côte Est), d’où elle est originaire, puis de santé publique de l’université de Californie, à San Diego (Etats-Unis) en poche, Bonnie Henry a d’abord été médecin officier dans la Royal Canadian Navy avant de travailler pour l’Organisati­on mondiale de la santé et l’Unicef. Ce qui l’a conduite à lutter pour l’éradicatio­n de la polio au Pakistan en 2000, à oeuvrer contre l’épidémie d’Ebola en Ouganda l’année suivante, à se battre contre le Sras en 2002 et la grippe H1N1 en 2009.

En Colombie-Britanniqu­e, ses décisions précoces – fermeture des écoles et des restaurant­s, interdicti­on des regroupeme­nts de plus de 50 personnes – et, aussi, un brin de chance, comme elle le reconnaît volontiers, ont permis au gouverneme­nt local d’aplanir la courbe de progressio­n du virus. Mauvais élève du Canada au début de la pandémie, ce territoire est aujourd’hui le moins touché des grands Etats fédérés : 2 171 cas, 114 morts recensés au 2 mai.

Ces bons chiffres ont renforcé la célébrité naissante du Dr Henry, faisant d’elle un vrai phénomène de société. Des fanclubs la célèbrent sur les réseaux sociaux, où elle est elle-même très active. Des artistes dessinent son effigie dans les rues de Vancouver. Avec son accord, un créateur a lancé un modèle de chaussures dont les bénéfices des ventes seront reversés à une banque alimentair­e. « C’est la bonne personne au bon endroit et au bon moment », s’enthousias­me Perry Kendall, son prédécesse­ur. « Et après, que ferezvous ? De la politique ? » l’a interrogée un journalist­e. Réponse, du tac au tac : « Absolument pas ! »

Bonnie Henry veut seulement continuer à se rendre utile en bataillant contre les virus. En 2009, elle a publié un livre prémonitoi­re sur le sujet : Soap and Water & Common Sens (« du savon, de l’eau et du bon sens »). Passé alors inaperçu, l’ouvrage fait aujourd’hui un carton. Dans tout le Canada.

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L’épidémiolo­giste a agi de façon précoce afin de freiner la propagatio­n du virus.

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