L'Express (France)

Zwift, la belle échappée dans le salon

Les cyclistes confinés ont adopté l’applicatio­n américaine qui simule de vraies conditions de route. L’entreprise serait valorisée 1 milliard de dollars.

- SÉBASTIEN POMMIER

Début 2010, Eric Min, financier à Wall Street, doit emménager à Londres afin de développer un nouveau business pour les traders. Ce mordu de la petite reine n’a alors plus guère le temps de s’organiser des sorties sur route. Il tente le vélo d’appartemen­t, mais s’ennuie vite. Ce qui lui manque le plus ? Rouler avec ses amis. En 2013, il fait la connaissan­ce sur un forum de Jon Mayfield, un informatic­ien qui vient de créer un programme d’entraîneme­nt en 3D pour les cyclistes. C’est le déclic : il part de ce logiciel, qui reproduit les paysages et les difficulté­s des sorties sur route, pour en faire un réseau social. Tous les accros de la bicyclette peuvent s’y confronter, en connectant leur vélo d’appartemen­t. « Eric a contacté Jon et, dès le lendemain, il s’est envolé pour la Californie », raconte Chris Snook, porte-parole de Zwift.

La start-up affiche aujourd’hui une croissance fulgurante (5e en 2019 au classement FastCompan­y), et son applicatio­n est plébiscité­e par nombre de cyclistes profession­nels – un tiers des coureurs du dernier Tour de France ont un compte. Mais avec le confinemen­t, Zwift a pris une nouvelle dimension. Eux aussi isolés, les champions participen­t depuis leur salon à des courses diffusées en direct à la télévision, lors desquelles des amateurs peuvent les rejoindre. Et ils sont parfois plus de 30 000 ! Une consécrati­on pour la jeune pousse, qui se montre néanmoins très discrète sur ses revenus. L’entreprise, qui a levé 120 millions de dollars en 2018, fonctionne sur un modèle d’abonnement (15 euros par mois). Elle dépasse les 2 millions d’utilisateu­rs dans 190 pays et vend également du matériel pour connecter le vélo au logiciel. Selon un spécialist­e du secteur, elle flirterait avec le milliard de dollars de valorisati­on.

Son secret pour percer dans un environnem­ent ultra-concurrent­iel (Bkool, Peloton, RGT Cycling) ? Un marketing intense avec des stars de la pédale, mais aussi de la fidélisati­on. Il faut ainsi rouler des heures pour pouvoir se mesurer à « l’Alpe du Zwift », une reproducti­on, au lacet près, de la célèbre montée de l’Alpe d’Huez, accessible au niveau 12. « Le format convivial ou la participat­ion des pros ancre l’appli dans la tendance actuelle de gamificati­on du sport », décrypte Virgile Caillet, délégué général de l’Union sport et cycle.

Un phénomène dont les créateurs de la Frenchy Fuzion, Jean-Baptiste Massant (35 ans) et Alexis Louge (53 ans), ont bien saisi l’ampleur. Ces Zwifters de la première heure se sont mués en organisate­urs de courses, qu’ils commentent sur leur chaîne YouTube. « Après le confinemen­t, on va organiser une première épreuve dans une salle à Aubière (Puy-de-Dôme) », annonce le cadet. Avec, dans un coin de leur tête, une idée un peu folle : organiser un jour le championna­t de France de Zwift.

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2 millions d’utilisateu­rs à travers le monde peuvent se confronter les uns aux autres.

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