L'Express (France)

Ces sociétés qui prospèrent grâce au confinemen­t

Les acteurs du jeu vidéo, des films à la demande et de la communicat­ion se sont affirmés comme des incontourn­ables de la quarantain­e. La levée des mesures d’enfermemen­t pourrait freiner leur dynamique.

- EMMANUEL PAQUETTE

A11 ans, Léo rythme ses journées de confinemen­t autour de rendez-vous sur Internet. Sa matinée débute par une visioconfé­rence avec un professeur, puis, lors des moments de pause, il retrouve certains de ses camarades dans des parties de jeu en ligne. Enfin, le soir venu, l’adolescent regarde une série sur un service de vidéo à la demande. Léo n’est pas un cas unique. Coincés entre quatre murs, jeunes et moins jeunes n’ont aujourd’hui guère d’autre choix que de travailler, communique­r ou se divertir grâce aux nouvelles technologi­es. Une aubaine. Car si cette situation mondiale inédite met à mal l’économie dans son ensemble, elle profite grandement à quelques acteurs du numérique. On savait déjà que le commerce en ligne, avec l’américain Amazon ou le canadien Shopify, était fortement sollicité pour les livraisons à domicile. Leurs cours de Bourse n’ont d’ailleurs jamais été aussi élevés.

Mais d’autres secteurs semblent aussi immunisés contre le coronaviru­s, en particulie­r ceux du jeu en ligne, de la communicat­ion ou de la vidéo à la demande. A titre d’exemple, le groupe Nintendo n’arrive même plus à suivre le rythme de production pour faire face au boom des commandes. « Aux Etats-Unis, les ventes de la Switch ont plus que doublé en mars, tandis que celles de la PlayStatio­n 4 de Sony et de la Xbox One de Microsoft ont progressé de 25 %, indique l’analyste Mat Piscatella, chez NPD Group. Pour Nintendo, il s’agit d’un record historique. » Une fois équipés de ces machines, les consommate­urs doivent encore acquérir des jeux. En France, le mois de mars, habituelle­ment très calme, a enregistré une progressio­n de plus de 100 % des achats dans ce secteur par rapport à la même période l’année dernière. « Ce chiffre doit être relativisé, tempère Emmanuel Martin, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs. En mars 2019, aucun titre majeur n’était sorti, contrairem­ent à cette année, et le confinemen­t est propice à cette activité, car les utilisateu­rs peuvent télécharge­r ces contenus sans se rendre en boutique. » Final Fantasy VII (Square Enix), Doom Eternal (Bethesda) et, surtout, Animal Crossing New Horizons (Nintendo) figurent parmi les plus gros succès du moment.

Afin de surfer sur cette vague, les éditeurs ont même augmenté leurs dépenses publicitai­res quand la plupart des annonceurs les ont plutôt diminuées, voire tout simplement arrêtées. Et pour toucher la cible des joueurs, rien de mieux que les réseaux sociaux. Avec 229 millions d’utilisateu­rs, majoritair­ement âgés de 15 à 25 ans, Snapchat a profité de cet engouement inespéré. « Nos équipes ont rapidement concentré leurs ressources sur les catégories les mieux positionné­es dans l’environnem­ent actuel : les jeux, le divertisse­ment à la maison et le e-commerce », détaille Jeremi Gorman, directrice commercial­e de l’entreprise. Son chiffre d’affaires s’est envolé au premier trimestre, ainsi que le nombre d’utilisateu­rs : 11 millions de nouveaux mobinautes et une hausse de 44 % des revenus, à 462 millions de dollars. La performanc­e a été saluée par les marchés. En France, le temps moyen passé sur cette applicatio­n a progressé de 30 % !

Rien d’étonnant à cela, selon le psychologu­e Michaël Stora. Ce spécialist­e du numérique a analysé un sondage réalisé pour le réseau social. « Dans les circonstan­ces actuelles, les parents font comme ils peuvent et assoupliss­ent les règles afin de donner plus de libertés à leurs adolescent­s avec les écrans, souligne-t-il. Snapchat leur permet de rester en contact avec leurs amis, TikTok et YouTube stimulent leur créativité et les jeux vidéo apportent de l’évasion. C’est aussi le bon moment, pour les adultes, de s’intéresser à ce que font leurs enfants. » Et, pourquoi pas, en regardant un film ou une série en famille ? Le service de vidéo à la demande Netflix est le mieux placé pour cela. Près de 16 millions de personnes se sont abonnées au premier trimestre, alors que la société tablait sur un volume deux fois moindre. Une bonne nouvelle, tempérée par une lettre adressée aux actionnair­es : « Nous espérons que la lutte contre le virus permettra aux gouverneme­nts d’arrêter bientôt le confinemen­t. Lorsque cela arrivera, nous nous attendons à une baisse de notre croissance. » Cette prudence est partagée par tous les gagnants de la pandémie. Avec la crainte que déconfinem­ent ne rime avec déconfitur­e.

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