Les juteuses fake news de YouTube
Pour freiner la désinformation, la plateforme a d’abord bloqué la monétisation des contenus vidéos en lien avec l’épidémie. Elle a depuis fait machine arrière pour éviter les pertes financières. C oupez des morceaux de concombre, ajoutez-y des tranches d’aloe vera et du jus de citron, puis mixez le tout », susurre une voix doucereuse sur fond de musique New Age. Une recette miracle qui permettrait de se prémunir du coronavirus, assure la vidéo dénichée sur YouTube par le groupe d’investigation Tech Transparency Project (TTP), mis sur pied par l’ONG américaine Campaign for Accountability. Des propos aussi farfelus que dangereux, précédés d’une publicité pour… la campagne de réélection de Donald Trump !
Plusieurs vidéos du même acabit, proposant des pseudo-remèdes ou assénant des conseils douteux – éviter les restaurants chinois – ont été découvertes début avril par le TTP sur la plateforme vidéo de Google. Et toutes étaient accompagnées de réclames très sérieuses, dont certaines émanant d’annonceurs prestigieux tels que Facebook ou encore la compagnie d’assurance Liberty Mutual. YouTube a donc non seulement contribué à diffuser ces fake news mais, qui plus est, en a fait son beurre en prélevant sa dîme sur chaque réclame.
Le temps des bonnes résolutions n’aura pas duré. Début mars, Sundar Pichai, le big boss de Google en personne, assurait : « Nous nous efforçons de supprimer rapidement tout contenu prétendant faire échec au coronavirus en se substituant à un traitement médical. » Preuve de cette détermination à lutter contre la désinformation, YouTube avait alors pris une mesure drastique : rendre impossible la diffusion de pubs sur toutes les vidéos traitant du coronavirus ; le thème étant classé dans la catégorie des « événements sensibles » au même titre que les actes terroristes. Mais, lorsqu’il est devenu évident que la crise sanitaire allait durer, la plateforme a eu peur de se tirer une balle dans le pied en renonçant à une large partie de ses revenus publicitaires. Revenus qui lui ont rapporté 15 milliards de dollars l’an passé, soit environ 10 % du chiffre d’affaires total de Google.
Le 11 mars, YouTube a donc permis à un nombre limité de vidéastes de monétiser des contenus liés au coronavirus. Puis, le 2 avril, elle a étendu l’autorisation à tous ceux habilités à diffuser des annonces. Ils sont toutefois tenus de vérifier la véracité de leurs informations. Une mesure difficile à faire respecter, à en croire les vidéos dénichées par Campaign for Accountability. « Les marques devraient cesser de placer leurs campagnes marketing sur YouTube, car cette société ne peut pas garantir que leurs annonces seront diffusées avec du contenu légitime », s’insurge le directeur de l’ONG, Daniel Stevens.
De son côté, YouTube affirme supprimer toutes les vidéos contrevenant à ses règles. Des milliers de séquences mensongères autour du coronavirus auraient ainsi été éliminées au cours des dernières semaines. La plateforme ne tient évidemment pas à se mettre à dos les annonceurs. Reste que, comme sur les réseaux sociaux, les publicités sont placées automatiquement, en fonction de critères définissant le public visé (localisation, âge, affinités…).
Compliqué, dans ces conditions, de garantir qu’elles ne soient pas associées à des productions douteuses. D’autant plus que ces dernières se multiplient. Ainsi, selon une étude de l’université d’Ottawa publiée le 20 avril, plus du quart des vidéos sur le coronavirus les plus visionnées sur YouTube contiendraient des informations trompeuses. « C’est plus difficile et bien plus long de contrôler des vidéos que du texte. Or 300 heures de nouvelles séquences sont diffusées chaque minute sur YouTube », observe Jean-Marc Royer, président de Netino by Webhelp, spécialiste de la modération des contenus en ligne. Le temps, c’est de l’argent et la plateforme semble avoir fait son choix.
« C’est plus difficile et bien plus long de contrôler des vidéos que du texte »