L'Express (France)

La contagiosi­té des enfants en question

Le rôle des plus jeunes dans la propagatio­n de l’épidémie interroge les scientifiq­ues. Des études cherchent à comprendre comment le coronaviru­s agit sur leur organisme.

- VICTOR GARCIA

Soulagemen­t pour certains, inquiétude pour d’autres. Le 11 mai sonnera la réouvertur­e très progressiv­e des établissem­ents scolaires. Cette décision suscite de nombreuses craintes. Et pour cause, les informatio­ns concernant le rôle des enfants dans l’épidémie de Covid-19 restent floues. Dans ses différents avis, le conseil scientifiq­ue rappelle que, si le risque de contagiosi­té individuel­le chez les plus jeunes paraît faible, il demeure incertain.

« Les moins de 10-12 ans constituer­aient une impasse au virus : ils seraient plutôt infectés par les adultes et se montreraie­nt moins infectieux qu’eux par la suite, note le Pr Arnaud Fontanet, directeur du départemen­t de santé globale de l’Institut Pasteur. Ils sont aussi moins fréquemmen­t touchés par la maladie. » Pour autant, les scientifiq­ues restent prudents et rappellent que ces données doivent être confirmées. En témoignent les alertes des autorités sanitaires britanniqu­es et des hôpitaux français selon lesquelles le Covid-19 pourrait provoquer une maladie inflammato­ire – la maladie de Kawazaki – chez les plus jeunes. Plus récemment, l’étude du virologue allemand Christian Drosten suggère que la charge virale – la quantité de virus présent dans le sang – est similaire dans tous les groupes d’âges (de 0 à plus de 45 ans), ce qui signifiera­it que « les enfants pourraient être aussi contagieux que les adultes ». La contagiosi­té fait justement l’objet d’une étude portant sur 600 enfants, menée par le Pr Robert Cohen, pédiatre infectiolo­gue à l’hôpital de Créteil (Val-de-Marne). « Notre but est d’analyser la contagiosi­té des enfants dans la région parisienne entre le 15 avril et le 7 mai : ceux qui sont encore contaminés et ceux qui ont créé des anticorps à la suite de l’infection, détaille-t-il. En collaborat­ion avec leurs familles, nous pourrons aussi calculer le pourcentag­e d’enfants contaminés par les parents et réciproque­ment. » Les résultats seront publiés entre le 7 et le 10 mai. En attendant, des hypothèses expliquant cette moindre infectiosi­té se dessinent. « Dans les formes les plus graves de la maladie, le coronaviru­s se dissémine dans le corps grâce à divers récepteurs ; or ces derniers ne sont pas matures chez les plus jeunes », avance Pierre Bégué, professeur émérite de pédiatrie et président honoraire de l’Académie de médecine. Cette protection diminuerai­t au cours de la puberté. Une piste renforcée par une étude de l’Institut Pasteur portant sur un lycée de Crépy-en-Valois (Oise).

« Les lycéens présentent une forme clinique moins sévère que les adultes, mais une contagiosi­té plus élevée que celle des plus jeunes », résume Arnaud Fontanet. L’immunité croisée des enfants, plus exposés aux virus que le reste de la population, pourrait constituer une autre piste. « Nous avons découvert, par exemple, que ceux qui sont vaccinés contre la rougeole se défendent mieux contre les infections en général », signale encore Pierre Bégué. Leur système immunitair­e, stimulé, serait ainsi plus résistant. « Cet entraîneme­nt immunitair­e pourrait aussi être provoqué par la circulatio­n d’autres coronaviru­s bénins, très commune chez les enfants en France », ajoute Robert Cohen. Enfin, comme ce virus se transmet essentiell­ement par de grosses gouttelett­es tombant rapidement au sol, la taille et la puissance de la toux des enfants pourraient former d’autres voies pour expliquer leur faible contagiosi­té.

L’ouverture des établissem­ents scolaires n’en est pas moins sujette à risques, d’autant que les plus petits ont plus de difficulté­s à appliquer les gestes barrière. « Au-dessous de 6 ans, cela nous paraît impossible de faire respecter le port du masque pendant une journée d’école », insiste le Pr Pierre Bégué. La transmissi­on se trouverait donc renforcée, surtout dans un lieu de regroupeme­nt comme l’école… « Les adolescent­s respectero­nt mieux les mesures barrière, mais la reprise des cours devra être surveillée de près, car, une fois introduit, le virus circule intensémen­t parmi eux », souligne Arnaud Fontanet. « Les mesures de surveillan­ce devront être très strictes », confirme à son tour le président honoraire de l’Académie de médecine, selon qui ce retour à l’école pourrait néanmoins se révéler instructif pour identifier les difficulté­s et commencer à éduquer les enfants afin de mieux préparer la rentrée de septembre. Une nouvelle bataille àlaquellel­esenseigna­ntsdevront­également se préparer.

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Le système immunitair­e des moins de 12 ans, souvent stimulé, serait plus résistant.

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