La contagiosité des enfants en question
Le rôle des plus jeunes dans la propagation de l’épidémie interroge les scientifiques. Des études cherchent à comprendre comment le coronavirus agit sur leur organisme.
Soulagement pour certains, inquiétude pour d’autres. Le 11 mai sonnera la réouverture très progressive des établissements scolaires. Cette décision suscite de nombreuses craintes. Et pour cause, les informations concernant le rôle des enfants dans l’épidémie de Covid-19 restent floues. Dans ses différents avis, le conseil scientifique rappelle que, si le risque de contagiosité individuelle chez les plus jeunes paraît faible, il demeure incertain.
« Les moins de 10-12 ans constitueraient une impasse au virus : ils seraient plutôt infectés par les adultes et se montreraient moins infectieux qu’eux par la suite, note le Pr Arnaud Fontanet, directeur du département de santé globale de l’Institut Pasteur. Ils sont aussi moins fréquemment touchés par la maladie. » Pour autant, les scientifiques restent prudents et rappellent que ces données doivent être confirmées. En témoignent les alertes des autorités sanitaires britanniques et des hôpitaux français selon lesquelles le Covid-19 pourrait provoquer une maladie inflammatoire – la maladie de Kawazaki – chez les plus jeunes. Plus récemment, l’étude du virologue allemand Christian Drosten suggère que la charge virale – la quantité de virus présent dans le sang – est similaire dans tous les groupes d’âges (de 0 à plus de 45 ans), ce qui signifierait que « les enfants pourraient être aussi contagieux que les adultes ». La contagiosité fait justement l’objet d’une étude portant sur 600 enfants, menée par le Pr Robert Cohen, pédiatre infectiologue à l’hôpital de Créteil (Val-de-Marne). « Notre but est d’analyser la contagiosité des enfants dans la région parisienne entre le 15 avril et le 7 mai : ceux qui sont encore contaminés et ceux qui ont créé des anticorps à la suite de l’infection, détaille-t-il. En collaboration avec leurs familles, nous pourrons aussi calculer le pourcentage d’enfants contaminés par les parents et réciproquement. » Les résultats seront publiés entre le 7 et le 10 mai. En attendant, des hypothèses expliquant cette moindre infectiosité se dessinent. « Dans les formes les plus graves de la maladie, le coronavirus se dissémine dans le corps grâce à divers récepteurs ; or ces derniers ne sont pas matures chez les plus jeunes », avance Pierre Bégué, professeur émérite de pédiatrie et président honoraire de l’Académie de médecine. Cette protection diminuerait au cours de la puberté. Une piste renforcée par une étude de l’Institut Pasteur portant sur un lycée de Crépy-en-Valois (Oise).
« Les lycéens présentent une forme clinique moins sévère que les adultes, mais une contagiosité plus élevée que celle des plus jeunes », résume Arnaud Fontanet. L’immunité croisée des enfants, plus exposés aux virus que le reste de la population, pourrait constituer une autre piste. « Nous avons découvert, par exemple, que ceux qui sont vaccinés contre la rougeole se défendent mieux contre les infections en général », signale encore Pierre Bégué. Leur système immunitaire, stimulé, serait ainsi plus résistant. « Cet entraînement immunitaire pourrait aussi être provoqué par la circulation d’autres coronavirus bénins, très commune chez les enfants en France », ajoute Robert Cohen. Enfin, comme ce virus se transmet essentiellement par de grosses gouttelettes tombant rapidement au sol, la taille et la puissance de la toux des enfants pourraient former d’autres voies pour expliquer leur faible contagiosité.
L’ouverture des établissements scolaires n’en est pas moins sujette à risques, d’autant que les plus petits ont plus de difficultés à appliquer les gestes barrière. « Au-dessous de 6 ans, cela nous paraît impossible de faire respecter le port du masque pendant une journée d’école », insiste le Pr Pierre Bégué. La transmission se trouverait donc renforcée, surtout dans un lieu de regroupement comme l’école… « Les adolescents respecteront mieux les mesures barrière, mais la reprise des cours devra être surveillée de près, car, une fois introduit, le virus circule intensément parmi eux », souligne Arnaud Fontanet. « Les mesures de surveillance devront être très strictes », confirme à son tour le président honoraire de l’Académie de médecine, selon qui ce retour à l’école pourrait néanmoins se révéler instructif pour identifier les difficultés et commencer à éduquer les enfants afin de mieux préparer la rentrée de septembre. Une nouvelle bataille àlaquellelesenseignantsdevrontégalement se préparer.