NON / CE SERAIT UNE RÉCOMPENSE INJUSTIFIÉE ET INJUSTIFIABLE
Les crises accouchent certes d’idées nouvelles, mais elles font aussi parfois renaître des idées reçues, intellectuellement dépassées mais toujours séduisantes. Tel est le cas de l’annulation des dettes « liées au Covid-19 ». L’idée est d’utiliser la politique monétaire afin d’alléger la charge de la dette publique, conséquence d’une stratégie menée par des gouvernements qui confondent politique budgétaire et dépense excessive.
C’est pourquoi il n’est pas étonnant que ce type de propositions provienne de pays qui ont excellé dans une gestion hasardeuse de leurs finances publiques. Toute annulation serait une récompense injustifiée et injustifiable de leur irresponsabilité, créant donc un aléa moral évident.
S’y ajoute l’impossibilité de pouvoir distinguer les « dettes liées au Covid-19 » des autres. Surtout, aucun Etat ne laisserait passer cette chance de nettoyer et d’embellir ses comptes en négociant finement la définition de la « dette virale » en sa faveur.
Laisser croire au public que la Banque centrale européenne pourrait, d’un trait de plume, effacer les créances qu’elle détient vis-à-vis des Etats est un propos fallacieux. D’abord, si elle le faisait, il faudrait alors traduire comptablement cet abandon en perte et accepter que son capital devienne négatif. Or les fonds propres de la BCE sont limités. Une recapitalisation exigerait un effort de ses actionnaires, banques centrales nationales (aussi différentes que celles des Pays-Bas et de la Grèce) et, à la fin, des Etats eux-mêmes. La BCE n’a même pas prévu les conséquences de telles pertes provenant des programmes d’achat d’obligations toujours en cours. La Cour de justice de l’Union européenne a qualifié cette question de purement hypothétique. Cela cache en réalité un grand mystère : à qui imputer des pertes éventuelles de la BCE ? Toutes les propositions farfelues qui circulent sur l’annulation des dettes ignorent une simple vérité : seul Dieu peut donner sans prendre. ✷