L'Express (France)

Faut-il effacer les dettes publiques liées au Covid-19 ?

Pour contrer les effets de la récession, les Etats ont ouvert grand les vannes de la dépense, entraînant une envolée de leur dette. Le débat monte sur la possibilit­é de l’annuler et permettre ainsi un rebond plus rapide et durable.

- Jean-Pierre Petit, président des Cahiers verts de l’économie. PAR JEAN-PIERRE PETIT

OUI / LES RISQUES D’UNE TELLE STRATÉGIE SONT MINEURS PAR RAPPORT AUX GAINS

Au sortir de la crise, les dettes publiques vont partout, et notamment en Europe, exploser, atteignant des niveaux historique­s en temps de paix. Annuler le supplément d’endettemen­t qui va émerger de la gestion de la pandémie est totalement légitime. Il ne s’agit pas ici d’aider des acteurs ou pays fautifs dans le déclenchem­ent de la crise, comme on a pu le dire lors des plans d’aide en 2008, « au profit » des banques. Le Covid-19 est un choc totalement exogène, et on ne peut en imputer la responsabi­lité à quiconque.

En revanche, cet effacement ne doit concerner que les obligation­s qui sont entre les mains de la Banque centrale européenne (BCE). Rappelons que l’institutio­n de Francfort détient 27 % de la dette publique de l’Union. En effacer une partie s’effectuera­it sans dommages économique­s majeurs, à la différence d’une annulation des titres de dette détenus par les épargnants privés, qui reviendrai­t à leur spoliation. Dans le cas de la BCE, l’opération est possible : c’est le seul agent économique qui puisse émettre de la monnaie pour effacer la dette. On en finirait au moins provisoire­ment et partiellem­ent avec les discours punitifs sur la dette. Surtout, les risques d’une telle stratégie sont mineurs par rapport aux gains. L’inflation ? Les dix dernières années ont connu l’un des niveaux les plus faibles depuis l’après-guerre malgré l’explosion des bilans des banques centrales. L’affaibliss­ement de l’euro ? Les autres institutio­ns monétaires vont probableme­nt envisager cette solution. Une contrainte de recapitali­sation pour la BCE ? Une situation de fonds propres nets négatifs peut être permanente pour une banque centrale, dans la mesure où elle n’a aucune contrainte de liquidité.

Au-delà, il est illusoire de penser que le vieillisse­ment démographi­que, les défaillanc­es des systèmes éducatif et de santé et les chocs de natures climatique, numérique et migratoire pourront se résoudre uniquement via des ajustement­s structurel­s. Dans des pays où la croissance potentiell­e est faible et où la pression fiscale est élevée, il faut une nouvelle impulsion, à la fois budgétaire et monétaire, condition nécessaire à un renouveau européen. ✷

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