La Pentecôte de la discorde
Les catholiques ont obtenu la possibilité d’une reprise des offices le 29 mai. Cette date intervient après la fin du ramadan et provoque l’indignation d’une partie des musulmans.
Quatre jours. Quatre petits jours qui sèment la zizanie. En envisageant la réouverture des lieux de culte le 29 mai, Edouard Philippe a-t-il vraiment mesuré le trouble qu’il semait entre croyants, chahutés par deux mois de réclusion forcée ? Pourtant, le 28 avril, lors de la présentation du plan de déconfinement à l’Assemblée nationale, le Premier ministre se montre très clair : les églises, mosquées, temples et synagogues, jugés non prioritaires, ne pourront reprendre les célébrations qu’à partir du 2 juin. Une date qui a le mérite, d’un point de vue politique et religieux, d’enjamber toutes les grandes fêtes : le ramadan pour les musulmans, Chavouot pour les juifs, l’Ascension et la Pentecôte pour les chrétiens.
C’est sans compter sur le lobbying intense que lance alors une partie de la hiérarchie catholique. Dans un communiqué, la Conférence des évêques de France déplore la décision de l’exécutif : « La fête de la Pentecôte devrait marquer, sauf reprise de l’épidémie, la fin du confinement sévère en matière de vie liturgique et sacramentelle. » Des échanges s’ensuivent, un rendez-vous est organisé avec Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, en charge des cultes. Le 4 mai,
devant le Sénat, Edouard Philippe change de pied et annonce qu’il est prêt à étudier une reprise des offices dès le vendredi 29 juin, pour la Pentecôte, donc et pour Chavouot. « Je sais […] que la période du 29 mai au 1er juin correspond pour plusieurs cultes à des fêtes ou à des étapes importantes du calendrier religieux », explique alors le Premier ministre.
Les musulmans n’apprécient pas ce qu’ils prennent comme une marque de défiance à leur égard. Car la fin du ramadan et la fête de l’Aïd, prévues les 23 ou 24 mai, sont clairement exclues de l’échéancier gouvernemental. Silencieuses tant que toutes les religions étaient logées à la même enseigne, les autorités de l’islam élèvent la voix. « Evidemment que cela suscite une interrogation chez les musulmans. Or, en cette période, on n’a pas le droit d’avoir des gens qui se sentent mis de côté », regrette Kamel Kabtane, le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, qui rappelle que les mosquées ont su organiser deux prières à la suite lorsque les réunions de plus de 1 000 personnes ont été interdites. D’autres menacent de recours judiciaires. En vain. Le gouvernement était toujours, en début de semaine, sur cette position.