L'Express (France)

Russie L’adversaire que Poutine n’attendait pas

L’épidémie actuelle met à mal la popularité du président, aux prises, après vingt ans de règne sans partage, avec un ennemi sans visage.

- PAR AXEL GYLDÉN

Attendu avec excitation, le printemps s’annonçait triomphal. Un référendum devait entériner, le 22 avril, une réforme constituti­onnelle autorisant Vladimir Poutine à se présenter à sa succession en 2024, premier jalon d’une éventuelle présidence à vie. Le 9 mai, ensuite, une grandiose parade militaire allait commémorer sur la place Rouge – en présence de chefs d’Etat étrangers, dont Emmanuel Macron – le 75e anniversai­re de la victoire soviétique sur le régime nazi. Une forme d’apothéose après vingt ans de règne sans partage. Pour cause de coronaviru­s, cette glorieuse séquence n’a jamais eu lieu. Confiné au Kremlin, le chef de l’Etat surveille par visioconfé­rence l’avancée inquiétant­e du Covid-19. La Russie totalise plus de 200 000 contaminat­ions, avec, depuis le 2 mai, une progressio­n impression­nante de 10 000 nouveaux cas par jour. Et voici la nation russe (144,5 millions d’âmes) au 5e rang mondial des pays infectés.

Même si le sommet de la courbe n’a pas encore été atteint, un chiffre semble rassurant. A la date du 10 mai, on dénombrait « seulement » 1 835 morts, contre 26 300 en France. Trop beau pour être vrai ? « Présenter les choses sous un jour avantageux est dans la nature du système », répond Nina Khrouchtch­eva, professeur­e de relations internatio­nales à la New School de New York et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtch­ev. En Russie, il faut toujours prendre avec des pincettes les chiffres avancés par le gouverneme­nt. »

A Moscou, la politologu­e Maria Lipman nuance : « Si les vrais chiffres étaient beaucoup plus élevés, nous le saurions par les réseaux sociaux, où l’existence d’un grand nombre de morts supplément­aires serait impossible à dissimuler. » En tout cas, la situation est contrastée dans ce pays aux 11 fuseaux horaires, avec la moitié des cas de Covid-19 concentrés dans la capitale (où les infrastruc­tures hospitaliè­res sont à la hauteur) et des oblasts (régions) sibériens plus démunis mais quasiment épargnés.

Seule certitude : la crise du coronaviru­s tombeau plus mal pour Poutine. Très dé pendant e du secteur de l’ énergie, la Russie affronte en effet une autre catastroph­e : l’effondreme­nt des cours mondiaux des hydrocarbu­res. Les revenus du pétrole et du gaz représenta­nt 15 % du PIB et la moitié du budget fédéral, la crise est inévitable. Même si le

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Pour tenter de reprendre le contrôle, le maître du Kremlin soigne sa com’ et se pose en père de la nation.

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