L'Express (France)

Airbnb sommé de se réinventer

La plateforme américaine licencie un quart de ses effectifs. Les difficulté­s structurel­les que va traverser le tourisme mondial lui imposent de profondes mutations.

-

Avec ses épaules carrées et sa poignée de main ferme, Brian Chesky, le créateur d’Airbnb, fait un peu dur à cuire à première vue. Cet ancien adepte de bodybuildi­ng a poussé fort pendant dix ans pour transforme­r sa petite start-up, créée par hasard un jour où il prêtait un matelas dans son salon à des inconnus, en un géant mondial du tourisme. Mais le voilà face à une montagne. La pandémie de Covid-19 a stoppé net, du jour au lendemain, le moteur même de son activité : le voyage.

Du coup, pas d’autre choix que de serrer la vis. La semaine dernière, sa main n’a pas tremblé au moment d’envoyer une lettre à ses équipes annonçant le licencieme­nt d’un

quart des effectifs. 1 900 personnes vont quitter l’aventure. Un peu comme à la loterie, les salariés ont eu les yeux rivés sur leur boîte mail, attendant une invitation pour un échange avec un responsabl­e. Lors de ces tête-à-tête vidéo, les managers ont notifié aux malheureux salariés américains qu’ils partaient de l’entreprise dès le lundi 11 mai, avec en guise de prime une quinzaine de semaines de salaire, et leur ordinateur portable de la célèbre marque à la pomme.

Dans son courrier, Brian Chesky a regretté cette coupe franche, mais l’a aussi justifiée. « Les activités d’Airbnb ont été durement touchées, avec un chiffre d’affaires cette année qui devrait être inférieur à la moitié de ce que nous avons gagné en 2019 [NDLR : environ 2,2 milliards de dollars attendus]. Nous sommes confrontés à deux dures vérités : nous ne savons pas exactement quand le voyage reviendra, et lorsque le voyage reviendra, il sera différent. »

L’hémorragie est sévère. D’après les données compilées par AirDNA, une entreprise américaine spécialisé­e dans l’analyse du marché de la location en ligne, les réservatio­ns mondiales ont chuté de 85 % depuis mars. « Malgré une offre stable, le chiffre d’affaires d’Airbnb a déjà baissé de 32 % entre février et mars », indique à L’Express un expert d’AirDNA. A Paris, la capitale mondiale (60 000 annonces) de l’activité d’Airbnb, la baisse est considérab­le : « Les revenus hebdomadai­res ont baissé de 70 % du 1er mars au 26 avril 2020. Sur la même période, les réservatio­ns pour une date future ont diminué de 78 %, ce qui montre à quel point les clients ne veulent plus voyager », explique la responsabl­e des relations publiques, Kristina Sprindyte.

Airbnb a vite fait ses comptes, il lui fallait du cash pour traverser la tempête. C’est pourquoi, début avril, l’entreprise s’est tournée vers des investisse­urs (Silver Lake, Sixth Street Partners…) pour trouver en urgence 2 milliards de dollars, dont une partie en dette à des taux d’emprunt dépassant les 10 % ! Parallèlem­ent au gel de l’industrie touristiqu­e mondiale, la valorisati­on de la star de l’économie du partage s’est effondrée. Airbnb ne vaut plus que 26 milliards de dollars, contre 40 milliards au début de l’année. De quoi, sans doute, renvoyer aux calendes grecques l’introducti­on en Bourse souhaitée pour 2020 par le patron.

Le Californie­n amorce donc l’opération sauvetage. Et des virages stratégiqu­es.

 ??  ?? Le patron, Brian Chesky, voudrait développer la location longue durée.
Le patron, Brian Chesky, voudrait développer la location longue durée.

Newspapers in French

Newspapers from France