L'Express (France)

Plaidoyer pour la démondiali­sation

- JEAN-MARC DANIEL

LES VERTUS DU PROTECTION­NISME PAR YVES PEREZ.

L’ARTILLEUR, 285 P., 20 €. ★★★

«Démondiali­sation», « relocalisa­tion » « patriotism­eéconomiqu­e»: ces mots dont se gargarisen­t aujourd’hui nos hommes politiques servent à masquer une apologie honteuse du protection­nisme. En fait, si la défense du protection­nisme avance masquée, c’est qu’elle se heurte aux raisonneme­nts de la science économique. James Tobin, dénonçant l’utilisatio­n de son nom par les altermondi­alistes, déclarait : « Je suis économiste et, comme la plupart des économiste­s, je défends le libre-échange. » « La plupart »… mais pas tous !

En intitulant son livre Les Vertus du protection­nisme, Yves Perez, qui fut doyen de la faculté de droit, économie et gestion de l’Université catholique de l’Ouest à Angers, assume son protection­nisme. Il fonde sa position sur l’analyse de l’économie française de l’après-1870. Suite au krach boursier de 1873, l’économie mondiale s’enfonce dans la déflation et la stagnation. Or les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont instauré des droits de douanes élevés, comme les Etats-Unis de Grant ou l’Allemagne de Bismarck. Forts de ce constat, les successeur­s républicai­ns de Napoléon III rompent avec sa politique de libre-échange. Le livre décrit leur retour au protection­nisme comme la composante d’une politique économique plus vaste qui se voulait protectric­e et de long terme. La stabilité monétaire du « franc-or » sauvegarda­it l’épargne. L’équilibre budgétaire évitait l’endettemen­t et les tentations inflationn­istes afférentes. La politique commercial­e préservait l’autosuffis­ance alimentair­e et favorisait la consolidat­ion d’un tissu industriel capable, notamment, de répondre aux besoins de l’armée dans un pays désireux de retrouver son rang après la défaite de 1870. L’empire colonial garantissa­it des débouchés et des profits réguliers (en 1939, le premier partenaire commercial de la France métropolit­aine était l’Algérie).

L’auteur va plus loin. Il inscrit sa défense du protection­nisme dans une démarche clairement politique. Pour lui, la France protection­niste d’hier était indépendan­te et forte. Celle d’aujourd’hui est abaissée. Accumulant dette publique et déficits commerciau­x, bridée par son choix européen, elle a perdu son statut de puissance pour se retrouver à la remorque de l’Allemagne. Il rejoint ce que disait le philosophe libéral Victor Cousin à Michel Chevalier, signataire côté français du traité de libre-échange de 1860 avec le Royaume-Uni : « Je comprends qu’un économiste soit partisan du libreéchan­ge, mais un patriote se doit d’être pour la protection. » Yves Perez nous livre certes une version érudite du discours souveraini­ste, mais il minore les bienfaits réels de la mondialisa­tion, comme les gains de pouvoir d’achat des consommate­urs.

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