Immobilier : les prix résisteront-ils à la crise ?
Le marché pourrait souffrir d’un fort recul de la demande du fait de la récession, mais aussi du resserrement de l’accès au crédit.
Les acheteurs reviendront-ils en nombre suffisant sur le marché immobilier qu’ils ont déserté depuis le début du confinement ? Les professionnels du secteur se veulent rassurants, arguant que la demande était très forte avant la crise sanitaire. « Nous comptions 10 acheteurs pour 1 vendeur et ce ratio culminait à 90 acheteurs pour 1 vendeur dans les zones les plus tendues », affirme Yann Jéhanno, dirigeant du réseau Laforêt. Un « réservoir » qui permettrait, selon lui, une reprise normalisée de l’activité, d’autant que, « globalement, le logement est un bien de nécessité ».
Difficile néanmoins d’écarter le risque d’une baisse significative du nombre de transactions, avec pour corollaire une probable correction des prix. L’ampleur de la récession économique attendue devrait, en effet, se traduire pour de nombreux foyers par une perte de revenus et de confiance, les obligeant à différer tout projet immobilier. Et cette raréfaction des acheteurs sera amplifiée par une restriction de l’accès au crédit. En cause ? Les recommandations du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), qui a sommé les banques de durcir leurs critères d’octroi de crédits immobiliers, en décembre dernier.
La durée des prêts est désormais plafonnée à vingt-cinq ans et le taux d’endettement des emprunteurs strictement limité à 33 % de leurs revenus nets. « Or un tiers des crédits étaient préalablement accordés avec un taux d’effort supérieur à 35 %, constate le professeur d’économie Michel Mouillart, porte-parole de l’Observatoire du crédit. Environ 220 000 ménages, à 75 % des primo-accédants modestes des zones rurales et des villes moyennes, seront exclus du crédit d’ici à 2021. » Le nombre de transactions devrait reculer de 25 % du seul fait de la décision du HCSF, selon cet expert. Une chute comparable à la diminution de 22 % enregistrée en 2012, à la suite de la suppression du prêt à taux zéro dans l’ancien.
A l’époque, les prix des appartements n’avaient baissé que de 1,3 % en moyenne nationale sur un an. Mais les moyennes masquent des écarts. « L’évolution de la courbe des prix ne répond pas seulement à une logique d’équilibre entre l’offre et la demande, mais aussi à la structure du marché », explique Michel Mouillart. Les primo-accédants achètent habituellement des biens parmi les moins chers. Quand ils sont écartés du marché, ces biens ne se vendent plus. L’indice des prix – qui repose alors sur un panel de transactions à tarif plus élevé – est tiré mathématiquement vers le haut. L’essoufflement de la clientèle des primo-accédants, s’il perdure, risque fort de se propager aux autres segments du marché immobilier.