Les financiers du Golfe à l’affût
Les fonds souverains des monarchies pétrolières profitent de la crise pour investir dans les fleurons européens.
Si la crise du Covid-19 est planétaire, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Alors que la plupart des entreprises de la planète connaissent de grandes difficultés, certaines étant même proches de la faillite, d’autres acteurs se frottent les mains : les fonds souverains du Golfe.
Peu connus du grand public, ces mastodontes pilotés par les monarchies pétrolières gèrent plusieurs centaines de milliards de dollars d’actifs. Et ils comptent bien profiter de la chute des marchés boursiers, qui ont perdu plus de 20 % en quelques semaines. Certaines sociétés, notamment en Europe et aux Etats-Unis, ont même vu leur valeur dégringoler de 50 %, voire 60 %, devenant des proies faciles. Le Fonds public d’investissement saoudien (PIF) n’a d’ailleurs pas mis longtemps à sortir du bois.
Fort de ses liquidités, le bras financier de Riyad (320 milliards de dollars d’actifs) a continué à prendre des participations dans les géants pétroliers : Shell, Repsol, Total… Avec la forte baisse du prix de l’or noir, qui est même passé en territoire
négatif en avril, les « majors » du secteur sont des cibles de choix. Et des actifs très intéressants pour l’Arabie saoudite, qui cherche à se renforcer dans un secteur de plus en plus tourné vers le renouvelable.
Dans un souci de diversification, le PIF a également investi dans le tourisme et le sport. Il a pris un ticket dans le plus gros croisiériste de la planète, Carnival, au bord de la faillite à cause de la crise, et mis la main sur le célèbre club de football de Newcastle. Sur sa lancée, le fonds, qui aurait des visées sur l’Olympique de Marseille, a bouclé il y a quelques jours une prise de participation dans le géant mondial du concert Live Nation. Montant de l’investissement : 500 millions de dollars.
Lui aussi à l’affût, le fonds qatarien (330 milliards de dollars d’actifs) n’est pas encore passé à l’action. Très présente en Europe, la Qatar Investment Authority (QIA), notamment propriétaire du PSG ou des magasins Harrods, s’est récemment dite intéressée par de potentiels investissements dans les technologies et la santé. Des secteurs également dans le viseur des Emirats arabes unis, qui, avec leurs différents fonds, gèrent plus de 800 milliards de dollars d’actifs…
Conscients du problème que ces investissements peuvent représenter, surtout en matière de souveraineté, les Etats réagissent. En France, un fonds d’investissement baptisé « Lac d’argent » et piloté par Bpifrance, est dans les tuyaux. Annoncé avant la crise, il doit permettre à Paris de « défendre » ses fleurons. Problème, il est abondé en partie par… les Emirats arabes unis. Et ne dispose que de 10 milliards d’euros. Soit plus de 30 fois moins que la plupart des fonds souverains…