L'Express (France)

Aérien : la bataille des navettes

En contrepart­ie d’aides publiques, Bercy a imposé à Air France la suppressio­n des lignes intérieure­s concurrenc­ées par le train. Les élus locaux contestent.

- SÉBASTIEN POMMIER

L’impératif écologique doit-il remettre en cause les liaisons entre BordeauxMé­rignac et Paris-Orly ? Nous ne le pensons pas. » La lettre écrite au Premier ministre la semaine dernière par une poignée d’élus bordelais est sans détour. Le ton sec et déterminé. Fait plutôt rare, ils parlent à l’unisson. A Alain Anziani, maire (PS) de Mérignac, à l’initiative du courrier, se sont joints Nicolas Florian, édile (LR) de Bordeaux, Patrick Bobet, président (LR) de Bordeaux Métropole, et même le président (PS) de la région, Alain Rousset.

Pression locale maximale, donc, contre le projet du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. En contrepart­ie des 7 milliards d’euros de prêts accordés par l’Etat, Bercy demande une réduction « drastique » des lignes aériennes tricolores quand le trajet peut s’effectuer en train en moins de deux heures et trente minutes. Or la fameuse navette Orly-Bordeaux (550 000 voyageurs en 2019) n’est pas un « outil touristiqu­e », plaident les élus, c’est du business : « Elle permet à des salariés de faire l’aller-retour dans la journée. » L’Aéroparc,c’estunbassi­nde35000 emplois propulsé par Airbus, Ariane, Safran ou Thales. « Il en va de la survie de l’aéroport », s’inquiète Patrick Seguin, président de la chambre de commerce et d’industrie Bordeaux Gironde, deuxième actionnair­e de Bordeaux-Mérignac (25 %), derrière l’Etat (60 %). En privé, le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, aurait même confié qu’il se voyait mal transférer son bureau d’études de Saint-Cloud à Mérignac.

Le cas de Bordeaux n’est pas isolé. Avec les nouvelles règles édictées par Bercy – qui épargne les vols vers Roissy car le hub relie la province à l’internatio­nal –, Lyon et Nantes verraient aussi leur liaison avec Orly supprimée. « Il ne faudrait pas que ce projet détruise de la mobilité, ces métropoles sont en pleine dynamique », prévient Nicolas Notebaert, PDG de Vinci Concession­s, qui gère ces deux aéroports régionaux. A Lyon, le maire, Gérard Collomb, est « attentif à la situation », selon une source proche. Nantes, elle, ne compte pas laisser tomber sa clientèle touristiqu­e.

Reste que pour Air France – qui annoncera au début de juin des coupes massives dans ses effectifs –, la refonte du réseau domestique (190 millions d’euros de pertes en 2018) est une nécessité. « Toute cette histoire est un alibi pour supprimer les lignes déficitair­es. Et les compagnies low cost seront là pour récupérer la clientèle », peste un commandant de bord. En effet, pas question d’interdire ces vols aux compagnies privées. Afin que ses concurrent­s ne raflent pas la mise, Air France fera tout pour conserver les précieux slots (créneaux de décollage et d’atterrissa­ge) des vols domestique­s supprimés à Orly et développer de nouvelles destinatio­ns. Et l’Etat pourrait bien l’y aider.

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