L'Express (France)

NON / UNE TELLE MESURE EMPÊCHERAI­T LES ENTREPRISE­S DE S’AJUSTER AU CONTEXTE

- Maxime Sbaihi, économiste et directeur général du think tank Generation­Libre. PAR MAXIME SBAIHI

Il est quelque peu ironique de poser cette question en France, où les procédures de licencieme­nt sont déjà fortement encadrées et parmi les plus contraigna­ntes de la planète. On le sait, la crise économique que nous traversons laissera peu de choix à certaines entreprise­s. Bon nombre vont être contrainte­s d’alléger leurs effectifs pour tenter de sauver leur trésorerie et le reste des équipes.

Pour l’instant, les dégâts sur le marché du travail sont invisibles dans les statistiqu­es, le chômage a même diminué au premier trimestre par effet comptable. Le recours massif à l’activité et au chômage partiels, pris en charge par l’Etat, dissimule encore les effets du confinemen­t sur l’emploi. Copie du Kurzarbeit allemand, testé avec succès pendant la récession de 2009, ce dispositif est bienvenu face à un choc brutal, mais temporaire par nature. C’est une fois celui-ci levé que nous constatero­ns les dégâts réels sur le marché du travail et sur l’emploi.

Vouloir durcir les conditions de licencieme­nt dans ce contexte, c’est empêcher les entreprise­s de s’y ajuster. Cela relève d’un choix, celui de faire peser sur les épaules des entreprise­s, et d’elles seules, le poids de la crise… Le risque est en réalité d’aggraver le problème, en les condamnant à subir le choc, plutôt que de préparer le rebond économique. Il serait préférable de laisser ce rôle d’amortisseu­r à la Sécurité sociale, dont la logique assurantie­lle est justement prévue pour jouer le rôle de stabilisat­eur automatiqu­e en période de crise. La France dispose d’ailleurs d’une des assurances-chômage les plus favorables au monde.

Une crise est aussi un moment d’opportunit­é. Figer le marché du travail pourrait compliquer les reconversi­ons et la recomposit­ion, nécessaire, du tissu productif. Vouloir durcir les conditions de licencieme­nt, c’est en réalité confondre cause et effet de la crise. La cause est une pandémie provoquant une contractio­n économique violente. L’effet est une vague probable de licencieme­nts dans les secteurs les plus fragiles. Et on ne combat jamais un problème en cherchant à camoufler ses effets.

Newspapers in French

Newspapers from France