L'Express (France)

Quand « BoJo » exaspère les Britanniqu­es

Par ses approximat­ions et son manque d’expérience au sommet de l’Etat, le Premier ministre suscite la défiance croissante de ses concitoyen­s.

- PAR AGNÈS C. POIRIER (LONDRES)

Son retour à Downing Street, le 27 avril, avait tout du conte de fées. Après avoir triomphé du Covid-19, tel saint George, saint patron de l’Angleterre, terrassant le dragon, Boris Johnson était apparu victorieux, quinze jours seulement après avoir frôlé la mort. Le surlendema­in, il devenait papa une nouvelle fois et choisissai­t comme troisième prénom pour son fils celui du médecin qui l’avait sauvé, Nicholas. Caracolant au sommet des sondages, avec 80 % d’opinions favorables, il avait presque réussi à faire oublier sa gestion hasardeuse des débuts de la crise sanitaire. De Cardiff à Edimbourg, de Londres à Belfast, le message gouverneme­ntal « Restez chez vous, sauvez des vies » avait été massivemen­t suivi par les Britanniqu­es. Les capitales de ce royaume de quatre nations semblaient unies pour combattre « l’ennemi invisible ».

Las ! Cela n’a pas duré. La flambée des chiffres de la mortalité (de 50000 à 60 000 personnes) et la résurgence d’une opposition politique pointilleu­se en la personne de Keir Starmer, ancien procureur et nouveau leader travaillis­te, ont ébranlé la confiance du pays en leur gouverneme­nt. Et ce sont les partisans de « BoJo » qui parlent le mieux de ce délitement. Il concerne, d’abord, l’Union. « Je parlerais même de dislocatio­n », confie Alex Massie, éditoriali­ste au journal conservate­ur The Times of Scotland. Détail qui en dit long : c’est en lisant le Daily Telegraph, le 10 mai, que la leader écossaise Nicola Sturgeon a découvert le plan de déconfinem­ent progressif de Boris Johnson, ainsi que son nouveau message, « Soyez à l’affût et contrôlez le virus. » « C’est aussi vague qu’imprécis », ironise-t-elle immédiatem­ent sur Twitter. Que le Premier ministre n’ait pas songé à la prévenir en dit long sur son rapport aux trois « petites » nations du Royaume-Uni. Il est vrai que l’Angleterre rassemblan­t 55 millions d’habitants sur une population totale de 66 millions, Boris Johnson pensait pouvoir passer en force. Erreur. Dans la foulée, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord – indépendan­tes en matière de santé publique – annoncent le maintien du confinemen­t et du slogan original. « Nous fonctionno­ns de plus en plus comme les Etats américains avec leur gouverneme­nt fédéral », résume l’Ecossais Alex Massie.

Ce sentiment se nourrit des injonction­s contradict­oires de Boris Johnson. Tiraillé entre le désir de faire repartir l’économie et celui de contrôler la courbe de la mortalité, il semble naviguer à vue. Cette approximat­ion, Keir Starmer l’a démontrée de façon cinglante à la Chambre des communes. Pourquoi le gouverneme­nt a-t-il recommandé­derenvoyer­lespatient­sâgésmalad­es dans leur maison de retraite ? Pour quelle raison a-t-il cessé de fournir les chiffres des contaminés et de la mortalité des autres pays européens ? Chaque fois, « BoJo » esquisse une vague réponse avant de battre en retraite. Dans une Chambre des communes où les élus ne sont présents que par visioconfé­rence, il n’est plus porté par le vacarme amical de ses députés étouffant de leurs quolibets les critiques de l’opposition. « Ses saillies retombent comme un soufflé froid, analyse Iain Martin, fondateur de la revue Reaction. Une Margaret Thatcher, diplômée en sciences, ou un Gordon Brown, connupours­onobsessio­ndudétail,auraient pris soin d’interroger les experts. Mais Boris Johnson manque cruellemen­t de rigueur et d’expérience de gouvernanc­e. »

Certaines voix n’en soutiennen­t pas moins le Premier ministre qui, aime-t-il marteler, se fie « au solide bon sens des Britanniqu­es ». Alex Deane, ancien conseiller de David Cameron, est d’accord : « On s’en sort toujours, car nous nous

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