Nostalgie de l’empire
Cent ans après, le traumatisme du traité de Trianon est encore vivace parmi les Hongrois.
Connaissez-vous les Sicules ? Ces quelque 600 000 personnes, les székely, constituent environ la moitié de la minorité hongroise de Roumanie. Ils célèbrent tous les 10 mars le « jour de la liberté du Széklerland », un Etat imaginaire aux traditions pourtant profondément ancrées dans l’histoire, avec drapeau, blason et hymne national. Cette année, le rassemblement n’a pas eu lieu, Covid-19 oblige. Mais le 23 avril fut un beau jour : leur région de 12 000 kilomètres carrés, au beau milieu de la Roumanie, s’est vue octroyer un statut d’autonomie par l’Assemblée nationale de Bucarest. Pas de chance pour les Sicules, le Sénat roumain a ensuite refusé de valider le texte : celui-ci n’avait en effet été adopté que… tacitement, faute de réunion des parlementaires. Et le président, Klaus Iohannis, a annoncé qu’en tout état de cause il ne promulguerait pas une telle loi. Il est vrai que la minorité hongroise a toujours été remuante. Et que les dirigeants locaux n’ont pas non plus oublié les effets de la politique d’intégration forcée du pouvoir communiste à la fin des années 1980 : elle fut à l’origine de la révolte contre le pouvoir des Ceausescu, dont l’exécution fut le point d’orgue de la révolution de décembre 1989.
Renouveau nationaliste à Budapest
Dans la Hongrie voisine, on ne les a pas oubliés.
Pas plus qu’on a oublié les magyarophones de Slovaquie, de Serbie, d’Ukraine et de Croatie… Des terres arrachées, avec plus de 3 millions d’habitants, à l’empire austro-hongrois par « l’infâme » traité de Trianon – un « diktat » et la « plus grande des tragédies hongroises » –, signé il y a exactement un siècle, le 4 juin 1920 à Versailles, date aujourd’hui commémorée comme « jour de l’unité nationale ». Car depuis dix ans, Budapest est en plein renouveau nationaliste. A l’image de la Russie de Vladimir Poutine, avec qui Viktor Orban s’entend d’ailleurs plutôt bien, la Hongrie distribue généreusement les passeports donnant la citoyenneté à ses congénères. Et ceux-ci savent se montrer reconnaissants, en votant largement pour le Fidesz, le parti au pouvoir.