Didier Raoult : le grand entretien (très) cash
PAR THOMAS MAHLER ET ANNE ROSENCHER L’Express a rencontré l’infectiologue dans son bureau marseillais. Un échange passionnant, édifiant et électrique !
Dès la gare de Marseille Saint-Charles, à la file des taxis, la petite assemblée des chauffeurs s’égaye à peine a-t-on a prononcé l’adresse : l’IHU, 19 boulevard Jean-Moulin. « Raoult ? ! Ils vont voir Raoult ! Pas besoin de vos masques, hein, gardez-les pour Paris ! Ici, on n’a pas le corona, on a Raoult ! » Le ton est donné. Depuis le début de l’épidémie, avec sa blouse, ses cheveux longs, sa bague à tête de mort et ses lunettes, le Pr Didier Raoult incarne l’un de ces personnages à la Roland Barthes dont on fait des mythologies nationales. Une image qu’il entretient, dans ses charges en règle contre Paris, le mainstream ou les études – « bidouillées ! », tonne-t-il – qui s’amoncellent, chaque fois plus mitigées sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19
(voir page 26). La lecture de ses ouvrages nous avait intrigués : comment un grand infectiologue, élitiste revendiqué, libertaire, pro-immigration, promondialisation, se retrouve-t-il icône subite des antisystèmes ? Qui est Didier Raoult ? Et que pense-t-il au juste ? C’est avec le projet de le questionner aussi sur ses idées – et pas seulement sur la controverse médicale – que nous avons sollicité et obtenu un long entretien.
Marseille, donc. « J’ai achevé un monument plus durable que l’airain. » Dans l’allée abritée qui mène à l’IHU, la phrase d’Horace graffée sur un mur (en latin !) cueille le visiteur. Ponctuel, le maître des lieux douche d’emblée les espoirs du photographe, qui espérait obtenir un cliché posé pour la couverture : « Je ne suis pas un acteur. » Certes. On jurerait pourtant qu’il lui arrive de jouer la comédie, quand il tempête, vitupère et morigène avant de partir (parfois) dans un éclat de rire. Il ne nous a d’ailleurs pas épargnés : une soufflante par question environ (nous avons choisi de les laisser). Son bureau est une caverne d’Ali Baba pour qui veut trouver des signes à analyser. Il y en a tant, au reste, qu’on finit par se demander si ça n’est pas pour brouiller le sémiologue de comptoir qui voudrait tenter un portrait chinois : tableaux à son effigie, citations latines encadrées, souvenirs de voyages, photos avec les quatre derniers présidents de la République – « j’ai aussi celle de mon père avec de Gaulle ; moi j’ai fait avec ce que j’avais, hein »…
L’homme boit dans un mug sérigraphié de deux photos accolées – une de lui, une d’Emmanuel Macron – qui stipule « Raoult 1 - Micron 0 ». Et, pourtant, il se montre assez indulgent envers le chef de l’Etat – il faut dire que ce dernier est venu jusque dans son bureau pour le voir, à grand renfort de caméras. Pour le reste, Raoult sulfate à tout-va : les médias moribonds, les politiques, la capitale, le Collège de France, les bureaucrates, le « culte » du réchauffement climatique… Nous avons posé les questions. Et insisté quand il éludait. Maintenant, aux lecteurs de se faire une idée.