L'Express (France)

Eloge du pique-nique

La journalist­e Raphaële Marchal et le chef doublement étoilé Christophe aribert livrent leurs conseils pour un déjeuner sur l’herbe convivial, joyeux et délicieuse­ment imparfait.

- PAR EZÉCHIEL ZÉRAH

« Pique-niquer, c’est une idée. C’est l’inconnu. C’est le voyage avant la destinatio­n. C’est trimballer son bonheur dans son sac à dos et être heureux avant d’y être », écrit la journalist­e Raphaële Marchal dans son livre Passion pique-niques, à paraître le 28 mai, aux éditions Michel Lafon.

Mais pique-niquer, n’est-ce pas d’abord se souvenir de moments très personnels et en imaginer d’autres à venir ? Pour l’auteur de ces lignes, le souvenir a le goût du rectangle de pizza des boulangeri­es marseillai­ses, avalé sur une crique après une demi-journée à pagayer en kayak. Le pique-nique, ou plutôt picnic, est aussi la grande affaire des Britanniqu­es. Dans les années 1950, la presse française s’épanchait chaque été sur les repas d’anniversai­re de la princesse Margaret, organisés à partir de 17 heures sur les berges avoisinant la résidence royale de Balmoral, en Ecosse. Le président américain Dwight D. Eisenhower lui-même prit part à ces agapes déconnecté­es du temps. Dans un registre plus populaire, le journal The Guardian avait publié en 2018 un palmarès des pains à fort « potentiel de pique-nique » (vainqueur : la ciabatta).

Néanmoins, régir le pique-nique reviendrai­t à aller contre sa nature car il est synonyme d’imparfait, d’improvisat­ion, de manque et de trop-plein. Il n’y a pas de règles formelles (sauf lors des courses hippiques d’Ascot, en Angleterre, où il est interdit d’apporter plus d’une bouteille de champagne par personne) ; il n’y a que les commandeme­nts d’esthètes saucissonn­eurs : la veille tu prépareras ; le montage sur place tu privilégie­ras ; une baguette qui s’assèche vite et un fromage à pâte molle tu éviteras ; une fois arrivé, avec de la confiture et des fruits frais ton fond de tarte tu garniras.

La préférence du chef doublement étoilé Christophe Aribert, installé près de Grenoble, va à une salade de riz complet avec pois chiches, oeufs ni tout à fait mollets ni tout à fait durs (de cinq à six minutes de cuisson, suivies d’un plongeon dans l’eau froide), graines (millet, sésame, pavot, tournesol et lin), et sauce à base d’huile d’olive et de vinaigre balsamique blanc. Autre incontourn­able de ce grand marcheur en montagne ? L’infusion froide « Récupérati­on sport » de son ami Atma (à retrouver en supermarch­és bio) « pour fluidifier le sang et éviter les courbature­s ».

Lors d’un pique-nique, le contenant compte autant que le contenu. A la belle vaisselle en plastique réutilisab­le, les palais délicats aux poches profondes préféreron­t les assiettes en porcelaine de Marie Daâge, peintes à la main. Et s’offriront, en gardiens de la tradition, les coffres dédiés de la vénérable maison Fortnum & Mason. Le sac « picnic », issu de la collaborat­ion entre la marque écorespons­able Rive Droite et le restaurant parisien Septime, conviendra, lui, aux foodies piqués de mode.

Mais revenons à Passion pique-niques, mi-guide, mi-carnet de route débordant d’enthousias­me. Une sorte de post Instagram de 125 pages, où s’entremêlen­t anecdotes, portraits d’amis et recettes dans l’air du temps (dont une babka aux herbes et au chèvre frais). « Un pique-nique réussi, c’est celui qui t’a fait oublier le temps qui s’écoule et dont tu repars avec un petit déchiremen­t au coeur, tant tu aurais aimé qu’il dure à jamais », peut-on lire dans cet ouvrage qui prolongera précisémen­t la nostalgie de cette douce parenthèse.

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A plusieurs, le déjeuner en extérieur rime avec bonheur.
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Incontourn­able de ce moment privilégié : la boisson glacée.

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