L'Express (France)

L’appli qui géolocalis­e l’homophobie

Etudiants THIBAUT SOLANO

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Disponible sur smartphone, Flag! se présente comme un outil citoyen pour signaler les agressions anti-LGBT. Un mode de surveillan­ce qui divise.

Faut-il tracer une carte de France de l’homophobie ? C’est en tout cas l’objectif d’une nouvelle applicatio­n pour smartphone, Flag!, soutenue par le gouverneme­nt, qui permet de signaler et de localiser anonymemen­t les actes anti-LGBT. Initiatric­e du projet, l’associatio­n gay du même nom, constituée d’agents des ministères de l’Intérieur et de la Justice, veut orienter les politiques contre ces discrimina­tions. Son président, Johan Cavirot, l’assure, « si une vague de signalemen­ts parvient d’une ville, il sera possible de contacter la mairie ou le commissari­at. En cas de violences familiales, il faudra renforcer la prévention à l’école. Ou dans l’entreprise, si elles surviennen­t au travail. »

Bien que les dénonciati­ons nominative­s soient proscrites, d’autres militants se montrent méfiants à l’égard de cette surveillan­ce citoyenne. « Ces données ne doivent pas servir à stigmatise­r des quartiers sensibles, parfois perçus comme hostiles aux LGBT », souligne Giovanna Rincon, d’Acceptess-T, qui défend les personnes trans. Réponse de Lyes Alouane, militant de Stop Homophobie, à Gennevilli­ers (Hauts-de-Seine) : « Il ne faut pas cacher la vérité ; au moins, ces chiffres seront factuels. » A condition

qu’un panel suffisant s’en empare. En un mois, Flag! a été téléchargé­e 1 500 fois et a enregistré 200 signalemen­ts. La phase suivante prévoit son extension à l’intranet des entreprise­s publiques.

Pour Frédéric Potier, à la tête de la Délégation interminis­térielle à la lutte contre le racisme, l’antisémiti­sme et la haine anti-LGBT, qui finance l’outil, « la carte complétera d’autres indicateur­s : les appels aux associatio­ns, peu implantées hors des grandes villes, et les plaintes. Les territoire­s où ces dernières sont le plus nombreuses ne sont pas forcément plus intolérant­s : dans des zones très rurales ou en outre-mer, la pression sociale peut être si forte que les victimes se taisent. Aucun quartier n’a le monopole de l’homophobie. »

La prudence dans l’interpréta­tion des chiffres de la Place Beauvau s’impose également : + 36 % d’infraction­s anti-LGBT en 2019. Une tendance répétée depuis la création du baromètre, en 2017. « Les avancées sociétales créent des phénomènes de rejet, explique Frédéric Potier. Mais le travail associatif et la formation des policiers pour mieux prendre les plaintes entraînent aussi mécaniquem­ent une hausse du nombre de déposition­s. »

W

Si j’en crois la lecture des prophètes postCovid, dans le monde d’après, nous serons plus sobres, nous serons bienveilla­nts les uns vis-à-vis des autres et nous nous ferons des bisous. Une exposition répétée et prolongée au monde des médias, de la mode, de la restaurati­on branchée et des influenceu­rs m’incite à fortement modérer l’enthousias­me de certains de mes confrères. Comme le confinemen­t nous l’a déjà amplement montré, nous n’en avons pas tout à fait fini avec l’un des penchants les plus néfastes et les mieux partagés de la nature humaine : la compétitio­n narcissiqu­e pour des marques dérisoires de statut social, aussi appelée snobisme.

Nouvelles anxiétés de classement

Certes, les règles du jeu ont un peu évolué au cours des dernières semaines. Le concours pour la plus grosse voiture a laissé le champ libre à la comparaiso­n du nombre de likes par photo de pain maison, postée sur Instagram. Les plus valeureux d’entre nous ont d’ailleurs rompu avec les déplacemen­ts motorisés, leur préférant un mode actif, écolo ou fonctionna­nt à l’effort : vélo, trottinett­e ou marche. Tout ce qui peut attester que l’on est un bon citoyen du monde d’après. Alors que la vie d’avant n’a toujours pas repris son cours habituel, des questions inédites ont émergé, charriant avec elles de nouvelles anxiétés de classement. Prenons l’univers de la restaurati­on. Centre de gravité

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