Le casse-tête des tests pour les futurs vaccins
Le ralentissement de l’épidémie de Covid-19 va compliquer les essais cliniques. D’où la solution envisagée par certains : exposer des volontaires au virus. PAR STÉPHANIE BENZ
d’épidémie. Ce protocole, déjà utilisé par le passé, a par exemple permis l’approbation de vaccins contre le choléra ou la fièvre typhoïde, dont l’efficacité aurait été difficile à démontrer autrement. « Dans le cas du Covid-19, ces essais permettraient d’accélérer la recherche, mais ils posent des problèmes éthiques », soulignaient récemment des scientifiques dans la revue The Lancet. De fait, l’idée, évoquée en mars par Marc Lipsitch, un des épidémiologistes vedettes de l’université américaine Harvard, est loin de faire l’unanimité. « Faute de traitement efficace, les participants pourraient prendre un risque, en particulier ceux du bras placebo », prévient le Pr Daniel Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé.
Pour l’instant, les industriels avancent prudemment, tout comme les différentes autorités sanitaires – la Food and Drug Administration, l’Agence européenne du médicament et l’Organisation mondiale de la santé. Cette dernière recommande que de tels essais, s’ils devaient avoir lieu, soient réservés aux 18-30 ans, les moins susceptibles de développer une forme grave de la maladie. Ce qui laisserait toutefois ouverte la question de l’efficacité du vaccin chez les sujets les plus âgés, dont le système immunitaire réagit souvent différemment. Sans attendre, un groupe de jeunes scientifiques américains a déjà lancé une plateforme pour recruter des volontaires. Plus de 28 000 se sont manifestés, dans 102 pays !
Cette solution ne sera pourtant pas simple à mettre en oeuvre. « Nous manquons encore de connaissances fondamentales, comme la dose de virus requise pour entraîner une infection », indique le Pr Floret. Sans compter qu’il faudra établir le protocole, purifier et tester les virus, passer les étapes réglementaires, isoler les participants… Au total, de six à douze mois seront nécessaires pour obtenir les réponses attendues. Dans ces conditions, la perspective d’avoir un vaccin pour la fin de 2020 ou même le début de l’année prochaine s’éloigne chaque jour un peu plus.
Wde recherche de l’unité. L’équipe de chimistes a marié de longues molécules – principalement de la polyarginine et de l’acide hyaluronique, pour créer une fine couche, invisible à l’oeil nu. « La première présente l’intérêt de se coller sur la membrane des bactéries, où elle forme un trou afin de les tuer, tandis que la seconde, naturellement présente dans le corps, possède des effets anti-inflammatoires », détaille le chercheur.
Depuis cinq ans, cette association de biopolymères a subi une série de tests éprouvant son efficacité, sa durabilité et sa biocompatibilité. « Il existe d’autres produits antibactériens à base de fer ou de chlore, mais le nôtre est le seul à pouvoir être absorbé par le corps sans nuire à la santé », précise Nihal Engin Vrana, cofondateur de la start-up Spartha Medical, créée à la fin de 2019 pour industrialiser le procédé. Un avantage qui lui offre des perspectives dans le monde médical, notamment dans la fabrication d’implants – dentaires, pacemakers, prothèses de hanche ou de genou. Ces produits, devenus courants, ont un taux d’infection variant de 3 à 5 %, lié principalement au fameux staphylocoque doré. « Ce pourcentage semble minime, mais les complications peuvent se révéler dramatiques puisque, souvent, les antibiotiques sont inefficaces pour traiter cette bactérie », souligne Philippe Lavalle. D’où l’idée d’envelopper les implants avec le film antibactérien pour diminuer le risque de maladies nosocomiales. Spartha Medical cherche donc aujourd’hui à s’associer avec les industriels qui fabriquent ces appareils médicaux, mais aussi avec les sociétés pharmaceutiques spécialisées dans le traitement des plaies. « A l’hôpital, les plaies chroniques ou les lésions des grands brûlés sont difficiles à soigner, elles nécessitent des soins coûteux et du personnel, précise Nihal Engin Vrana. Notre produit peut se révéler efficace, mais il ne sera disponible qu’en 2025. »
Avant cette date, la crise du Covid-19 pourrait servir d’accélérateur. En mars, la jeune entreprise a réorienté ses recherches sur le Sars-CoV-2. « Notre procédé fonctionne pour les bactéries, poursuit Philippe Lavalle. Il suffit de changer une molécule afin de lui donner des propriétés antivirales. » Reste à trouver la bonne. Spartha Medical s’est donc associée avec un second laboratoire de l’Inserm, spécialisé en virologie, l’Institut de recherche sur les maladies virales et hépatiques, pour créer le programme TerminAnion, doté de 200 000 euros par l’Agence nationale de recherche. « On peut espérer, par exemple, créer un spray qui serait déposé dans les chambres des patients atteints par le coronavirus pour éviter qu’une infection ne se propage via les surfaces et protéger ainsi le personnel hospitalier », croit le chercheur strasbourgeois. Le film pourrait aussi, comme sa version antibactérienne, recouvrir les appareils médicaux : un des retours d’expérience du Covid-19 dans les services de réanimation a montré qu’un grand nombre de transmissions s’étaient opérées par l’intermédiaire des cathéters. Enfin, produit à plus large échelle et pour le grand public, ce spray servirait à protéger les muqueuses au niveau du nez et de la bouche, qui sont souvent la porte d’entrée privilégiée du virus. La mise au point de ce « masque pulvérisable » prendra plusieurs années. Il servira donc pour la prochaine épidémie de coronavirus.
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